samedi, juillet 22, 2006

 

Les rêves aident à se « réaliser » à tout âge.

Pendant les deux dernières années qui me restaient à travailler, je faisais continuellement le même rêve : je me voyais en train de pagayer sur un cours d’eau et je m’arrêtais sur une petite île occupée au centre par un grand arbre très fourni en branches et en feuilles. De superbes rayons de soleil perçaient à travers le feuillage. Après être débarqué de mon frêle esquif de kayak, je m’asseyais sur le rivage et je contemplais pendant des heures le paysage qui s’offrait à moi au loin, bercé parfois par un tendre vent qui me caressait le visage. Je m’endormais sur cette image lointaine qui trottait dans ma tête.

Lors des « breaks » au travail, je parlais quelquefois à des amis de l’idée de me procurer un kayak, peut-être même de m’en fabriquer un et personne ne trouvait lumineuse mon idée de m’acheter un kayak à 60 ans et de me lancer à l’aventure sur l’eau. C’est sûr que je suis corpulent, mais je suis aussi en forme et bien musclé. Il ne me reste qu’un jeune homme d’un peu plus de 20 ans à la maison. Alors, pourquoi pas? Malgré les oppositions, je persévérai dans mon projet. Je me mis à étudier la question en profondeur, à me renseigner sur les prix, les modèles, l’équipement nécessaire. Je fouillai Internet. Il est sûr que certains commis de magasin me trouvaient téméraire dans ma démarche. C’est un sport de jeunesse après tout.

Comme une belle rivière calme (La Saint-Charles) coule à environ un à deux kilomètre de chez moi, la tentation était plus que forte de me lancer en avant. Pendant ce temps-là, mes plans de retraite ont pris forme. J’ai négocié mon départ et tout le tralala administratif et financier. Quand le temps me le permettait, je m’enfonçais dans ma rêverie et plus je m’approchais de mon échéancier de retraite, plus j’entrevoyais de belles journées de soleil avec une pagaie dans les mains, en train de remonter mon cours d’eau favori.

Quand je pris ma retraite précisément le 27 juillet 2005, tout était prêt dans ma tête. Le printemps suivant, en faisant mes impôts, je dégagerais un somme suffisante pour réaliser mon rêve de posséder un kayak et surtout d’en faire à mon goût.

Arriva le printemps 2006 et lors d’une foire sportive, je choisis à l’aide d’un expert le type de kayak qui me convenait, pour les fins que j’avais en tête. Le tout me coûta 1500 $ canadiens et je réalisais enfin mon rêve à 61 ans et un mois.

Pendant tous les mois qui avaient précédé ma retraite, j’avais accumulé un grand stress et une certaine lassitude du travail et de la vie. Je voulais faire autre chose que du 9 à 5. Il me fallut près de 6 mois pour récupérer de cette période de préretraite. Pour me raccrocher, j’avais toujours ce rêve récurrent en tête de me laisser bercer au soleil tout en pagayant sous les arbres et sous les jets de lumière qui passaient entre les branches.

Quand je mis le kayak à l’eau pour la première fois, j’étais loin d’être un expert. Pire encore, je ne savais même pas comment embarquer et débarquer de ce petit bateau. Après quelques renversements subits, des ajustements aux étriers du kayak, je me mis finalement à pagayer joyeusement. J’avais enfin le beau soleil du printemps dans le visage et il me suivait tout au long du parcours. Malicieusement, je me revoyais au bureau, alors que certains me voyaient quitter pour jouer au Bingo ou faire l’apprentissage de la danse en ligne avec un paquet de vieux croulants. Je voyais aussi la face défaite de mon ex. patron, l’expression du visage figée par l’ambition et l’envie de devenir plus important, alors qu’il avait le même âge que moi. Et, je me disais avec le sourire d’un homme heureux qui avait retrouvé sa liberté que la vie valait la peine d’être vécue, ne serait-ce que pour une simple petite balade en kayak, près de chez soi.

Avis aux futurs et futures retraité(e)s : faites de beaux rêves. C’est la force de la vie qui vous sourit intérieurement.

RD





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