dimanche, mars 25, 2007

 

La nostalgie, un sentiment qui n’arrive pas à s’imposer.

Au cours des derniers jours, j’ai pris conscience d’un sentiment que je n’avais pas éprouvé depuis longtemps : la nostalgie.

Je ne devrais pas me sentir nostalgique puisqu’il ne me manque rien ; en fait, je suis capable de combler tous mes besoins et plus, pour le restant de mes jours. Je suis nostalgique parce que, lorsque je regarde en arrière, je constate que ma vie s’est écoulée à toute vapeur.

Ce qui provoque ces mouvements de langueur, ce sont les souvenirs qui reviennent continuellement à la surface, toutes sortes de souvenirs, de toutes les époques de ma vie. Certains me font encore mal et je les rejette à nouveau dans l’ombre. D’autres sont plaisants et pleins de soleil. Je voudrais les revivre à nouveau, mais le temps est passé ou a passé. Alors, je me dis qu’il faut me tourner vers le présent et anticiper le futur.

Le présent, il est bien comme je le voudrais, sans turbulence et rempli de petits bonheurs simples. Toute ma vie a été vécue dans le tumulte de la survie. J’ai élevé une famille de deux enfants. Ayant été brassé par mal dur dans ma jeunesse et ayant quitté le milieu familial relativement tôt, j’ai dû aussi quitter ma région pour aller étudier à l’extérieur. Depuis, je suis devenu un immigrant dans ma propre province et je me suis établi dans la Ville de Québec. Ma vie professionnelle s’est déroulée dans un monde de fonctionnaires où la recherche était ma principale occupation.

Maintenant que je suis à ma retraite, j’ai le temps de réfléchir et surtout, de voir le temps passer, surtout depuis que ma famille s’est dispersée et qu’il ne me reste que mon garçon dans mon entourage immédiat.

Je me suis rendu compte que la nostalgie s’installe quand on décélère au niveau des activités quotidiennes ou encore lors des changements de saison. Il y a toujours des moments où on s’arrête complètement, à la fin d’un repas, par exemple. Et, c’est là que notre mental se met à bourdonner et à nous projeter des images de notre passé récent ou lointain. C’est là que je profite de la douce quiétude de la « farniente ». On réalise alors que l’on ne peut toujours être actif et qu’il faut s’arrêter de temps en temps. Le temps de penser et d’orienter sa conscience face au moment présent.

La « farniente », c’est un mot italien que l’on connaît mal ou qui a une mauvaise connotation en Amérique du Nord. Prendre le temps de vivre et de se laisser vivre, ce n’est pas dans les moeurs. Toute la vie est axée sur la réalisation de soi à travers les autres et à l’intérieur de la société dont on fait partie. Pourquoi devons-nous toujours nous étourdir? Bien sûr, les époques vécues au cours de notre vie nous marquent profondément.

Il y a d’abord l’enfance, ce temps béni où tout est simple et rempli de béatitude. C’est un temps où le moi et le soi sont peu développés, nous laissant des souvenirs où les rêves, le jeu et les loisirs occupent une place prépondérante. C’est le début de l’apprentissage de la vie.

L’adolescence, c’est comme une période d’électrochocs. À chaque jour qui passe, on voit s’accomplir des métamorphoses sur le plan physique et mental. Les apprentissages vont en s’accélérant, pour faire de nous des hommes et des femmes qui, dans les années qui vont suivre, se diront avec sérieux qu’ils sont devenus des adultes. On s’éloigne énormément de la nostalgie de l’enfance où le refus d’un plaisir ou d’un jeu nous amène à faire de gros bougons.

L’adolescence, c’est surtout l’apprentissage des sentiments profonds et la découverte des facettes de l’amour humain, le temps de la formation sous tous ses aspects. La nostalgie est souvent liée au ressac des coups durs que l’on subit en n’atteignant pas nos utopies ou en étant obligé de faire face à nos échecs. L’image que l’on a de soi est importante et les projets de vie deviennent des priorités. L’apprentissage des réalités de la vie devient plus complexe et on développe de l’expérience, i.e. une sorte de calepin de recettes pour faire face à toutes les situations que l’on peut rencontrer en tant qu’humain.

La vie d’adulte se passe comme un charme; les jours se succèdent à un rythme infernal. On a l’impression que tout nous accapare. Et, c’est l’âge mûr qui arrive soudainement, avec les premiers problèmes de santé, le sentiment d’avoir du millage et une liste d’actifs qui nous permettent d’envisager le futur avec un sentiment de sécurité et de bien-être.

Il n’y a jamais moyen de faire du sur-place dans notre société nord-américaine. Ceux qui se le permettent sont dans des conditions exceptionnelles : ils ont hérité d’une fortune ou bien ils ont décroché d’une manière ou d’une autre, en se laissant aller dans les drogues ou le laisser-aller sous toutes ses formes. Être dans la contemplation signifie que l’on est dans le domaine religieux. Nous sommes des proactifs et c’est ce qui fait que l’on possède le meilleur niveau de vie sur cette planète.

La nostalgie est quelque chose que l’on n’a pas eu le temps d’investiguer, à moins d’avoir subi des épreuves importantes au cours de la vie. On ne fait généralement que peu de retour en arrière sur son enfance, son adolescence ou sa vie d’adulte parce que l’on n’a pas le temps.

Arrive la période de la préretraite. Encore là, toutes les énergies sont canalisées vers la préparation de son avenir de retraité. Qui serons-nous alors, comment allons-nous survivre et passer le restant de nos jours?

Pour réussir sa vie, il semble qu’il n’y ait pas de place pour les nostalgiques, sauf dans de brefs moments où l’on est forcé de s’arrêter et de se regarder vivre.

Ce temps-là débute vraiment au moment de la retraite. C’est le moment où l’on quitte le courant tumultueux de la vie active au travail et où on se retrouve face à soi-même, comme au tout début. Hélas! Les perceptions changent et les désirs aussi. C’est là que le sentiment de la nostalgie apparaît pour nous aider à se remémorer les bons temps d’autrefois.

La retraite, c’est le temps de réinventer notre vie de tous les jours et c’est la nostalgie des jours passés qui nous fait réaliser jusqu’à quel point nous avons du vécu derrière nous.

Malheureusement pour nous, l’auditoire des jeunes ne nous permet plus de nous vanter de nos exploits. Dans notre monde moderne, les traditions sont à toutes fins pratiques reléguées aux oubliettes. L’implantation de nouveaux modes de vie fortement liés aux nouvelles technologies nous propulse dans un nouveau monde et nous nous perdons dans les activités du présent. Finalement, nous manquons de temps; nous n’arrivons plus à tout faire tellement les activités sont nombreuses et accaparantes. Nous ne pouvons que nous mettre au diapason de la modernité qui continue de se redéfinir et de nous repenser à tous les jours.

La sagesse des vieux jours, où se trouve-t-elle? Repoussée plus loin dans le temps, vers le 4e âge. Alors, c’est la bousculade. Le Sénior est condamné à suivre ou à déchoir.

Le temps de la nostalgie, c’est surtout pour ceux qui ne suivent pas le courant des activités du présent. C’est aussi pour ceux qui ont perdu une partie de leur santé au plan des capacités physiques et mentales. Alors apparaît le temps de la véritable vieillesse, où tout ce que l’on a été se retrouve dans un regard lointain qui évoque des images de moins en moins claires et précises. Ce dernier coup d'oeil permettra de s’endormir paisiblement, avec la nostalgie des jours passés dans un monde qui poursuit toujours sa marche en avant.

RD

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