dimanche, mars 28, 2010
LA MUSIQUE ALLIÉE DE NOTRE SANTÉ
Elle nous détend au quotidien…..Mieux encore, la musique a des effets thérapeutiques étonnants qui passionnent les scientifiques.
La musique fait tant partie de notre quotidien que nous n'avons pas toujours conscience du rôle qu'elle joue dans notre vie. Pour le professeur Hervé Platel, neuropsychologue à Caen, c'est simple : aucune autre activité ne stimule autant le cerveau ! « c'est un stimulus complexe, avec changements de hauteur, de fréquence, de timbre, d'intensité, de rythme, explique-t-il. De nombreuses régions du cerveau travaillent de concert pour traiter ces informations. Des chercheurs notamment au Max Planck Institut, en Allemagne, ont démontré que la pratique de l'activité musicale aide à développer les capacités intellectuelles dans la reconnaissance spatiale, l'apprentissage du langage, les mathématiques, les langues étrangères… » Jouer permet une nouvelle organisation cérébrale qui stimule la mémoire. L'interprétation exige de se concentrer sur la partition(rythme, notes, nuances) et sur la dextérité. Or la concentration est essentielle dans la mémorisation. Cette « symphonie neuronale » est un formidable atout pour notre cerveau et lui permet pendant toute la vie d'aménager de nouveaux réseaux pour compenser les lésions et ralentir le vieillissement. Les progrès de l'imagerie confirment les intuitions thérapeutiques. On sait désormais visualiser les zones du cerveau activées par la musique, différentes de celles du langage, et notamment l'aire des émotions, la plus primitive. Pas étonnant puisque la musique est antérieure au langage. « Les archéologues ont trouvé des flûtes taillées dans des défenses de mammouths de plus de 35 000 ans » observe le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, qui consacre dans son livre de chair et d'âme (éd.Odile Jacob, 2006) trois chapitres au pouvoir de la musique. « Dès le cinquième mois de la vie fœtale, bébé entend déjà le cœur de sa mère, les voix et les mélodies. Dix mois après sa naissance, avant de maîtriser les mots, le petit homme danse à l'écoute d'une musique. » Voilà pourquoi, elle nous fait autant d'effet quand on l'écoute et plus encore quand on la pratique. Voilà pourquoi elle passionne les scientifiques et trouve sa place dans les services hospitaliers. Voilà pourquoi, à l'inverse, elle peut énerver, voire rendre fou, lorsqu'elle s'impose par des mélodies ressenties comme agressives à un moment inopportun ou à un niveau sonore qui la transforme en bruit insupportable. Mais le plus souvent, elle nous fait du bien et peut devenir un allié thérapeutique.
Elle est un antidote à la souffrance physique et morale
« La sensation de bien-être s'explique par l'activation dans le cerveau du circuit de la récompense qui fait secréter endorphines et dopamine. Cette morphine naturelle se mesure même dans la salive des musiciens professionnels. » explique le Dr Pierre Lemarquis, neurologue à Toulon dans un cabinet d'explorations fonctionnelles neurologiques et auteur de Sérénade pour un cerveau musicien (éd. Odile Jacob, 2009). C'est cette action antidéprime que renforcent les musicothérapeutes, qui utilisent la voix ou l'instrument comme outil de médiation permettant d'exprimer une souffrance. L'écoute accompagnée ou non de relaxation permet de travailler sur l'imaginaire ainsi stimulé. A Nantes Dominique Heckmann anime des ateliers auprès de personnes très âgées dans un centre communal d'action sociale. « Les airs font remonter les souvenirs, c'est l'occasion d'échanger et de mettre en lumière les potentialités restantes. La dynamique de groupe lutte contre la dépression. » Dominique Bertrand, musicothérapeute en région parisienne préfère l'improvisation. « On se coupe du mental pour se délivrer de ses blocages, retrouver son corps, son désir de vie, pour surmonter une maladie, un deuil… » Si la dopamine console et redonne du dynamisme, les endorphines contribuent aussi à atténuer la douleur. Des médecins de l'Ohio (États-Unis) l'ont vérifié en prescrivant une heure de musique par jour à des personnes souffrant notamment d'arthrose. Résultat en une semaine : une baisse moyenne de 21% de l'intensité de la douleur.(The Journal of Advanced Nursing, 2006). « L'angoisse renforce la perception de la douleur » ajoute Marianne Clarac, formatrice à l'association Musique et Santé, dont les musiciens interviennent à l'hôpital et auprès des personnes handicapées. « Empêcher l'esprit de se focaliser sur la situation redoutée, faire diversion, se détendre, apporte un réel soulagement » Des services d'anesthésie infantile se sont ainsi convertis en salles de concert. Des sons rassurants accompagnent l'enfant jusque dans la salle d'opération.
Elle a toute sa place à l'hôpital
La musique a ainsi peu à peu réussi son entrée à l'hôpital. En néonatologie et pédiatrie d'abord. Les nouveaux-nés prématurés très réceptifs s'apaisent rapidement, améliorant leurs paramètres biologiques. Insensiblement, les notes s'introduisent dans d'autres services. A l'hôpital sainte Périne (Paris) et à Sainte-Marguerite (Marseille), les interventions musicales dans les services de gériatrie sont complétées de formations du personnel soignant. « Nous apportons de l'évasion, du lien, dans un univers d'isolement et de haute technicité ressenti comme agressif » explique philippe Bouteloup, directeur de Musique et Santé.
Sans vocation thérapeutique directe, cet intermède humanisant participe pourtant à la guérison. A l'hôpital de Montereau, (Seine et Marne), depuis 2004, le musicien Jean-Jacque Milteau fait jouer de l'harmonica à des enfants souffrant d'asthme avec des résultats supérieurs aux exercices traditionnels de stimulation du souffle. Au point qu'une soignante de service a décidé de se former ! Plus flagrant encore, l'impact du rythme sur le mouvement corporel. Si tout le monde a tendance à bouger en cadence, c'est qu'un lien étroit unit les aires de l'audition et de la motricité. Des neurologues étudient cette connexion pour aider les patients atteints de maladie de Parkinson à se mouvoir avec davantage de fluidité et de coordination : à Toulon, Pierre Lemarquis, fait chanter la Marseillaise ou l'Internationale à ses patients. « Nos premiers résultats sont très encourageants. Une expérience canadienne (publiée en janvier 2008 dans le Journal of Neurologic Physical Therapy)) a prouvé que vingt cours d'une heure de tango sont plus efficaces que vingt séances de rééducation classique. »
Elle aide à mieux dormir
Les mélodies nous font vibrer, au sens propre. Les sons déplacent de l'air et, cette onde exerce une action physique sur chaque cellule de notre corps, comme le démontre magistralement le film L'Instinct de la Musique, primé lors du festival Pariscience, en octobre 2009(et diffusé sur Arte). On y découvre la percussionniste sourde Evelyn Glennie qui explique comment elle a fait de la musique son métier, ressentant les sons graves dans le bas de son corps, les aigus au niveau supérieur. Cette onde fait écho aux vibrations de notre organisme, lui-même véritable orchestre composé des battements du cœur, du rythme cérébral, de la respiration….Cet orchestre intérieur s'adapte spontanément au tempo musical. D'où l'effet calmant d'une douce mélodie : le rythme cardiaque ralentit, la respiration s'amplifie, les ondes cérébrales se modifient. Stéphanie Khalfa, chercheuse au laboratoire de neurophysiologie et neuropsychologie de l'Inserm à Marseille a mesuré la diminution de la concentration du cortisol, hormone du stress, au contact d'une mélodie apaisante. A l'hôpital Saint-Louis(Paris), les musiciens de l'association Tournesol donnent des concerts jusqu'aux douze coups de minuit. « Il y a besoin de douceur dans ces moments de solitude, après les soins et les visites. Nos concerts semblent toujours trop courts. « témoigne Elisabeth de la Génardière, directrice de l'association, qui intervient depuis 1990 dans les hôpitaux et centres de gériatrie. « je mets de côté nausées et idées sombres, je dors mieux » confie une patiente en lutte contre le cancer.
Elle protège le cœur et le cerveau
Cet effet relaxant protège nos artères. Une étonnante recherche italienne présente en 2008 au congrès de l'American Society of Hypertension démontre qu'écouter de la musique lente une demi-heure par jour, en accordant son souffle au tempo, aide à diminuer l'hypertension de trois points en un mois !
La musique rend donc le cœur joyeux, au sens métaphorique mais également littéral du terme. Elle peut aussi aider à se rééduquer après une attaque cérébrale, en créant de nouveaux circuits dans les parties du cerveau intactes afin de compenser, au moins partiellement, ceux qui ont été détruits. Ainsi la thérapie « par intonation mélodique » à laquelle recourent les orthophonistes depuis plus de trente ans, consiste à faire parler les victimes d'accident vasculaire cérébral devenues aphasiques en chantonnant comme dans Les Parapluies de
Cherbourg. Une étude finlandaise (Brain, 2008) a montré que deux heures d'écoute musicale par jour améliorent l'élocution et diminuent le risque de dépression après un AVC. A la Fondation de France, Catherine Agius, chargée du programme handicap confirme : « Nous finançons de plus en plus de projets intégrant la musique car c'est l'expression la plus facilement accessible en cas de handicap ou de maladie » Elle cite les excellents résultats d'un atelier pour adultes psychotiques et autistes profonds. « C'est une source réelle de mieux-être qui favorise la rencontre avec les autres et redonne de la valeur aux personnes ! » Lorsque les mots viennent à manquer, comme dans la maladie d'Alzheimer ou de Huntington, la musique reste un moyen de communication »
Elle stimule les malades d'Alzheimer
Pour le Dr Lemarquis, « la maladie d'Alzheimer atteint moins rapidement les parties du cerveau liées aux émotions, allant jusqu'à renforcer les capacités artistiques » Les patients reconnaissent de vieilles chansons et réagissent parfois spectaculairement. « Apathie, anxiété et agressivité diminuent plus efficacement qu'avec les neuroleptiques et sans leurs effets secondaires, défend Arlette Meyrieux, présidente de l'association France Alzheimer. Je me souviens d'une femme très malade, pétrifiée comme une statue. Au son de la flûte, elle s'est remise en mouvement, radieuse » « Une malade n'émettait plus que de vagues 'Takapeu » raconte le Dr Boris Cyrulnik. En entendant fredonner J'ai deux amours, mon pays et Paris, elle a chanté toute la chanson devant son mari médusé. » Le Pr Platel va plus loin : « Les patients peuvent apprendre de nouvelles mélodies. Et s'en souvenir quatre mois après ! » Stimuler les facultés sensorielles et la vie sociale aide à ralentir la maladie et à rétablir une relation avec l'entourage. Comme la madeleine de Proust, les airs du passé gardent à jamais le pouvoir de nous émouvoir. La musique arrête le temps et nous offre une éternelle jeunesse.
Eh bien, chantez maintenant !
Quel est l'instrument le plus accessible à tous et au meilleur marché ?
La voix ! Le chant stimule le souffle, optimise l'oxygénation, renforce le moral. « Durant les répétitions, je me ressource et je reprends des forces », confie Pierrette, 61 ans. »Le chant vous rappelle à la vie, aussi sûrement qu'un éclat de rire de bébé » témoigne Sabrina, 50 ans qui s'y est mise en soignant une dépression.
Chanter favorise le maintien corporel : on se tient droit, on écoute son corps. « J'ai la sensation d'être traversée par une fontaine de sons et j'éprouve une immense joie » décrit Sabrina.
Les 10 000 chorales de France rassemblent près d'un million et demi de chanteurs qui partagent le plaisir de se retrouver dans une communauté. « Ma chorale est un endroit où l'on n'a jamais froid » dit joliment Françoise. Chorales A cœur joie : tél : 04 72 19 83 40 ou www.acoeurjoie.com
« Au piano, j'oublie tensions et tristesse »
« Au plus fort de la dépression, c'est mon piano qui m'a maintenu la tête hors de l'eau » témoigne Mary, 68 ans. « Lorsqu'on a la chance de pratiquer un instrument, on n'est jamais seul, note Jacques, 52 ans, joueur de hautbois. J'ai commencé tard (on peut intégrer un conservatoire à tout âge !), ce défi m'enrichit. L'aboutissement, c'est l'orchestre : être entouré de toute cette belle musique et y mettre son modeste grain de sel, c'est presque transcendant »
« Quand je suis stressée, je me mets au piano et j'oublie tout, mes tensions, ma tristesse » confie Christine, 55 ans.
Des nuits meilleures et plus longues
Observez des volontaires de 60 à 83 ans souffrant de troubles du sommeil et ne prenant aucun traitement médicamenteux.
Proposez à la moitié du groupe d'écouter au moment du coucher jusqu'à 45 minutes de musique douce. Mesurez durant trois semaines le temps d'endormissement de chacun. Résultat : un plébiscite de la musique qui accélère l'endormissement de 35% en moyenne, améliore la qualité du sommeil et allonge les nuits. De quoi confirmer l'efficacité des berceuses spontanément chantonnées par les parents aux tout-petits ! Une méthode facile à adapter chez soi, avant un rendez-vous angoissant ou en cas d'insomnie et sans effets secondaires, souligne Marion Good, professeur à l'école d'infirmières de l'université de Cleveland (Ohio, États-Unis) qui a mené l'expérience. The Journal of Advanced Nursing, février 2005.
« Le rythme musical encourage l'effort »
Pour Isabelle Lalau-Kéraly, préparatrice physique, diplômée du Creps (Centre régional d'éducation populaire et sportive) : « L'ambiance musicale est la potion magique qui donne l'impression qu'une heure n'a duré que quinze minutes. » Elle a transformé des cours de gym un peu ennuyeux en séances de fitness ludiques. Ce renfort de motivation est un facteur d'efficacité à tel point que les candidats au brevet d'Etat des métiers de la forme sont admis après un test d'oreille musicale. « Dans les exercices cardio-vasculaires, on cale d'instinct son rythme cardiaque sur le tempo et on s'y tient. Il faut trouver le bon niveau sonore pour stimuler sans agresser. Pour mes cours, je choisis des mélodies connues, au rythme encourageant. C'est bon pour la persévérance, indispensable pour garder la forme et progresser. A titre personnel, je me prépare des listes de musique sur mon baladeur. Cela m'aide à courir plus longtemps. »
RD
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