vendredi, avril 16, 2010

 

La retraite n'est pas plus rose ailleurs

La retraite n'est pas plus rose ailleurs

par Annick Poitras, Revue l'Actualité

20 Janvier 2010

Le Canada est l'un des huit pays qui offrent aux personnes âgées les plus hauts revenus et les taux de pauvreté les plus bas, aux côtés de l'Autriche et des Pays-Bas, notamment.

Au Canada, les régimes de pension privés et l'épargne personnelle représentent 41 % du revenu des retraités, soit le double de la moyenne des 30 pays membres de l'OCDE.

CLAUDE LAMOUREUX


Les pires pertes des régimes de pension en 2008

CANADA - 21 %

BELGIQUE - 22 %

ISLANDE - 23 %

ÉTATS-UNIS - 26 %

AUSTRALIE - 27 %

IRLANDE - 38 %

Les régimes publics canadiens permettent à 95 % des aînés de vivre au-dessus du seuil de pauvreté établi par l'OCDE.

Toutefois, ce portrait est condamné à s'assombrir. Selon la Régie des rentes du Québec, les personnes nées après 1960 risquent d'être plus pauvres que leurs prédécesseurs au moment de la retraite. La raison est simple : ce sont elles qui auront le moins participé à des régimes de retraite fournis par l'employeur.

(Sources : OCDE [2009], Les pensions dans les pays de l'OCDE 2009 : Panorama des systèmes de retraites ; RRQ.)

« Il faut hausser l'âge de la retraite »

par Michel Van de Walle

14 Avril 2010

http://www.lactualite.com/societe/il-faut-hausser-lage-de-la-retraite

Parce que l'espérance de vie augmente. Plusieurs pays l'ont fait, et il est temps que le Canada adopte des mesures pour alléger le fardeau financier des jeunes, affirme l'actuaire Claude Lamoureux.

La santé financière des régimes de retraite au Canada, publics comme privés, suscite beaucoup d'inquiétude. Avec le vieillissement accéléré de la population, y aura-t-il assez d'argent pour tout le monde ? Les gouvernements fédéral et provinciaux s'engagent dans une succession de déficits. La Caisse de dépôt et placement du Québec, qui gère l'argent de la Régie des rentes, a perdu près de 40 milliards de dollars en 2008, et son rendement de 10 % en 2009 a été nettement inférieur à celui des autres caisses canadiennes (plus de 16 % en moyenne). Environ 67 % de la population active n'a pas de régime de pension d'employeur et la plupart des caisses de retraite privées sont en déficit.

Des changements sont inéluctables, dit Claude Lamoureux, actuaire qui a dirigé pendant 17 ans les destinées de l'une des plus importantes caisses de retraite au Canada, celle des enseignants de l'Ontario (connue sous le nom de Teachers'), qui a plus de 87 milliards de dollars d'actifs. Mais, ajoute-t-il, « il ne faut pas paniquer ». Il faut prendre des décisions.

Êtes-vous plutôt optimiste ou pessimiste à propos de l'état de santé général du système de pensions au Canada ?

- Je suis optimiste de nature. La meilleure façon de régler des problèmes, c'est d'en parler et non de les cacher. Je crois qu'il existe des solutions. C'est vrai que 2008 a été une mauvaise année pour les rendements des caisses de retraite au Canada. Mais 2009 s'est révélée bien meilleure. S'il peut y en avoir d'autres comme celle-là, ça va aider.

Le premier pilier du régime canadien de pensions, c'est la Sécurité de la vieillesse, qu'Ottawa verse à tous les citoyens. Ce régime est financé à même le budget normal de l'État. Avec la série de déficits qui s'annonce, craignez-vous que ces prestations ne soient menacées ?

- C'est évident qu'il faudra procéder à des correctifs, à cause des déficits. Il peut y en avoir dans ce programme ou dans d'autres. J'admire les Néerlandais d'avoir pris des mesures : l'État a haussé l'âge normal de la retraite (qui passera de 65 à 66 ans en 2020, puis à 67 ans en 2025) et opté pour n'indexer les pensions que lorsqu'il aurait les moyens de le faire. Mais nos gouvernements ont de la difficulté à prendre ce genre de décisions.

Parce que l'espérance de vie augmente. Plusieurs pays l'ont fait, et il est temps que le Canada adopte des mesures pour alléger le fardeau financier des jeunes, affirme l'actuaire Claude Lamoureux.

En 2008, le rendement de la Caisse de dépôt et placement du Québec a été désastreux : - 25 %. Une perte de près de 40 milliards de dollars. Encore en 2009, la Caisse a eu un rendement bien inférieur à la moyenne. Doit-on craindre pour le Régime de rentes du Québec ?

- Dans le domaine de l'investissement, il ne faut pas regarder sur un horizon d'une ou même de 5 années, mais plutôt de 20, 30 ou 40 ans. Un livre intéressant, Triumph of the Optimists [écrit par Elroy Dimson, Paul Marsh et Mike Staunton], recense les taux de rendement de 1900 à 2008 dans 17 pays. Pour les actions, on a eu un rendement réel moyen (qui tient compte de l'inflation) de 5,2 %. Celui des obligations à long terme a été de 1,8 %. Si on prend une caisse de retraite qui cumule 60 % en actions et 40 % en obligations, on constate qu'il n'y a que trois pays - l'Australie, la Suède et l'Afrique du Sud - qui ont connu un rendement réel plus élevé que 5 %. Or, les actuaires [NDLR : ceux qui évaluent la solvabilité des régimes de retraite] utilisent des hypothèses de rendement de 5 % à 6 % par année pour faire leurs projections. Ce sont des hypothèses que j'appelle « héroïques ». Même s'il n'y a pas de problème dans l'immédiat, avec le vieillissement de la population, il faudra prendre des mesures pour alléger le fardeau financier des jeunes.

Lesquelles suggérez-vous ?

- Ma mesure facile, c'est de hausser l'âge normal de la retraite. L'espérance de vie à 65 ans augmente d'environ un mois par année depuis quelques décennies. Aux États-Unis, le moment de la retraite a été reporté : l'âge normal pour les Américains est maintenant de 66 ans. Quelques pays européens ont fait la même chose. Puisque l'espérance de vie augmente depuis des années, on pourrait, au Canada, hausser l'âge de la retraite d'un mois et demi ou de deux mois par année pendant une certaine période.

On ne verserait plus de rentes avant cet âge pour maintenir les gens au travail ?

- On pourrait continuer à verser des rentes à partir de 60 ans, mais elles seraient moins élevées qu'actuellement. Si une personne veut prendre sa retraite à 60 ans plutôt qu'à 67, il doit y avoir une réduction de la rente en conséquence. Quelqu'un qui cesse de travailler à 60 ans en tire avantage, car il jouit de sa retraite plus tôt. Par contre, pour la société, cette personne contribue moins au régime et en profite plus longtemps.

Le gouvernement du Québec a adopté en 2008 une loi qui permet la retraite progressive. Les gens sont incités à continuer de travailler à temps partiel tout en recevant une partie de leur rente. Qu'en pensez-vous ?

- Dans la mesure où la rente est adaptée en conséquence, je ne trouve pas cela gênant. Le problème, c'est que nos gouvernements donnent souvent des cadeaux sans prendre de mesures pour les faire payer. Du coup, ce sont nos enfants et petits-enfants qui en assumeront le fardeau financier.

Croyez-vous qu'il faudrait aussi augmenter les cotisations à la Régie des rentes du Québec ou au Régime de pensions du Canada (RPC) afin d'assurer leur solidité à long terme ?

- Je ne suis pas leur actuaire. Je n'ai pas mené d'étude là-dessus. Mais il est sûr que la baisse des taux d'intérêt depuis deux décennies a des conséquences. Par exemple, si on promet de payer un dollar dans un an à un retraité alors que le taux d'intérêt en vigueur est de 10 %, aujourd'hui, ce dollar nous coûte 90 cents. Par contre, si le taux d'intérêt courant n'est que de 1 %, la promesse de verser ce même dollar nous coûte 99 cents. En appliquant cet exemple sur une période de 20 ans, la valeur présente de ce dollar ne sera que de 15 cents si le taux d'intérêt est de 10 %, mais elle atteindra 38 cents si le taux est de 5 %. Donc, on constate que la valeur présente augmente beaucoup quand les taux d'intérêt sont bas. Ça n'a donc aucun bon sens que les actuaires utilisent un taux de 5 % pour évaluer le passif (les obligations à long terme à l'égard des retraités) d'un régime de retraite si les taux sur les obligations à rendement réel du Canada sont à 1,6 %.

Donc, il y a un problème de financement du régime public ?

- Il y a un problème de rendement. Il faut être réaliste dans nos cotisations. Si le rendement est très bas, les cotisations devraient être plus élevées.

Beaucoup de travailleurs au Canada n'ont pas de régime de pension d'employeur. Des provinces, comme la Colombie-Britannique et l'Alberta, veulent instaurer un régime additionnel pour pallier cette lacune. Deux options sont examinées : hausser les cotisations au RPC pour payer de meilleures rentes ou créer un régime parallèle géré par le secteur privé, mais à l'échelle nationale. Qu'en dites-vous ?

- Il serait probablement intéressant d'avoir un régime parallèle (au RPC ou à la RRQ) auquel les gens contribueraient. Mais il ne faudrait pas garantir une rente précise. On dirait par exemple à la population : nous allons générer de meilleurs rendements que ce que vous obtiendriez ailleurs. Ce pourrait être géré par des sociétés privées, mais avec des frais annuels de gestion de 0,5 %, inférieurs aux 2 % qu'exigent les fonds communs de placement au Canada.

À peine le tiers de la population active canadienne a un régime de pension d'employeur. Il ne se crée à peu près plus de régimes à prestations déterminées (qui garantissent une rente précise à la retraite) dans le secteur privé. La tendance est plutôt de créer des régimes à cotisations déterminées (dont la rente versée sera dépendante des rendements des marchés). Est-ce que vous le déplorez ?

- C'est évident que c'est déplorable. Quand je regarde ce qui se passe, je suis un peu cynique. Aux États-Unis, on a mis fin aux régimes à prestations déterminées dans beaucoup d'entreprises. Mais les patrons de ces mêmes entreprises veulent les conserver pour eux-mêmes. Selon moi, c'est le meilleur type de régime de pension. Les revenus sont garantis. Cela enlève beaucoup de soucis à la retraite. Le problème des régimes à cotisations déterminées, c'est qu'on offre aux employés de nombreux choix de placement, mais que la plupart n'ont pas les connaissances requises pour investir. Les gens ont tendance à acheter et à vendre au mauvais moment. Donc, leur rendement sur une longue période n'est pas de 5 %, mais plutôt de 2 % ou 3 %. Ce qui fait que leur pension est réduite de moitié.

Que faudrait-il faire pour favoriser la création de régimes à prestations déterminées ?

- La loi prévoit actuellement que l'employeur doit assumer 100 % des risques lorsque les choses tournent mal. Il est responsable des déficits. Quand ça va bien, il devrait aussi conserver 100 % des bénéfices. Je crois que les surplus devraient appartenir à l'employeur. Quant à l'amélioration du régime, elle passerait par la négociation entre employés et employeur. Et ce dernier devrait fournir rapidement, sur deux ou trois ans, l'argent requis pour financer les améliorations.

Les Canadiens ne cotisent pas assez à leur REER, n'épargnent pas suffisamment. Voyez-vous des solutions, fiscales ou autres ?

- Je crois qu'il y a assez de mesures d'incitation fiscales. Nous parlions des gouvernements qui enregistrent des déficits. Il faut qu'ils pensent à leurs dépenses, mais aussi à leurs revenus.

Les cotisations au REER sont déductibles d'impôt. Le compte d'épargne libre d'impôt (CELI) est une autre initiative intéressante. Les gens ne devraient pas chercher à atteindre 70 % de leur revenu de travail une fois à la retraite, mais plutôt viser 50 %. Les personnes moins fortunées disposent quant à elles de programmes sociaux qui les couvrent adéquatement. C'est plutôt la classe moyenne qui devrait épargner un peu plus. Mais il faut aussi faire des choix : on peut décider de prendre plus de vacances quand on est jeune et se dire qu'à 70 ans on réduira sa consommation.

COMMENTAIRE DE PHILOMAGE

Le principe que chaque génération devrait assumer ses frais rendue à la retraite devrait primer dans la mesure du possible.

Dans quelle situation seront les sociétés occidentales dans 20, 30 ou 40 ans, ou quel avenir réserve-t-on aux jeunes, voilà des questions qui sont très difficiles à répondre, compte tenu qu'il existe un grand nombre d'impondérables dans les visions basées sur la prospective. Qui aurait pensé qu'Internet et les nouvelles technologies en général révolutionneraient les communications, les façons de travailler ou de produire,… en si peu de temps? Et pourtant, c'est arrivé.

Vouloir changer l'âge de la retraite obligatoire, tout en laissant le libre arbitre aux futurs retraités de disposer d'eux-mêmes aboutirait à des rentes amoindries si l'on lit ce qui est envisagé ci-dessus. Dans le fond, c'est ce que l'on ne veut pas qu'il arrive aux jeunes d'aujourd'hui quand ils seront à l'âge de prendre leur retraite. Ça n'a donc pas de bon sens !

Ce qui semble pertinent, c'est de créer une caisse nationale, à l'échelle du Canada (basée sur le niveau de vie moyen des Canadiens), où les gens déposeraient une partie de leurs revenus après impôt (une forme de cotisation nationale) et qui serviraient comme cagnotte quand ils arriveraient à leur retraite. Ce serait des revenus garantis, définis à la hauteur des contributions individuelles. Ils seraient indépendants du RPC et les Gouvernements pourraient s'appuyer sur ces fonds pour investir ou financer des infrastructures et des services ou soins destinés aux aînés.

Il est clair toutefois, qu'il faut jongler avec ces perspectives, dès maintenant. Demain, il sera trop tard.

RD

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