mardi, avril 27, 2010

 

Le premier Pilier d’un Bon Vieillissement : prévoir des Ressources nécessaires

Chronique du Docteur Pierre Guillet : Les cinq piliers du bien vieillir - Chap. 2

On ne peut pas envisager un « bon vieillissement » sans un contrôle permanent
des « cinq piliers » les plus importants qui soutiennent notre vie quotidienne.

Certes, la fortune ne protège pas des grands handicaps, mais des ressources suffisantes sont indispensables pour bien vivre sa vieillesse. Le manque d'argent est souvent la première cause évoquée dans l'explication des difficultés à vivre, plus particulièrement par les veuves. Les demandes d'aides sont faites à la famille, ou auprès de caisses de retraite, ou d'une assistance sociale. Autour de ce problème d'argent se joue l'idée de dépendance ou d'indépendance, et l'angoisse qu'il engendre peut conduire à une perte totale d'autonomie.


C'est ce phénomène que l'on peut reconnaître dans l'itinéraire de Fabienne K., qui a plus de quatre-vingts ans.

Fabienne, si valide jusque là, est revenue d'un voyage en groupe très fatiguée et très désorientée. On pense à une maladie pour expliquer ce changement de comportement. Elle modifie son traitement d'un jour à l'autre, ce qui augmente ses malaises. L'autonomie de sa vie est remise en question, jusqu'au jour où elle vient me consulter longuement.

Elle me parle de ses soucis d'argent, de sa crainte permanente de se tromper dans ses comptes. Elle ne dort pas bien et, la nuit, elle se lève pour reclasser des chèques et refaire des additions déjà faites. Sa banque s'émeut de prélèvements importants et renouvelés. Sa filleule vient se mêler, trop souvent à son gré, de ses affaires d'argent... je lui propose de se faire aider pour tenir sa comptabilité : « A votre âge, on a le droit de faire des erreurs, mais on peut accepter de partager une tâche qui semble trop lourde.

On peut bien dans sa vie avoir parfois droit à des privilèges de princesse et, ainsi débarrassé des soucis matériels, apprendre à occuper son temps aux tâches les plus nobles de la vie ».

Cette image a paru lui plaire. Se perdre dans ses comptes était pour elle une déchéance, se faire aider « comme une princesse » la revalorisait. Depuis ce jour, une de ses amies retraitée, en qui elle a toute confiance et qui connaît bien sa filleule, vient une fois par semaine l'aider à tenir ses comptes, et lui remet son argent de poche pour la semaine. « Elle s'occupe de tout, je peux enfin vivre », dit Fabienne. Et ses amis la tiennent pour « guérie ».

Cet exemple n'est pas rare. Beaucoup de gens, au début de la retraite, ne savent pas toujours quel sera le montant de leur pension et quel mode de vie en découlera. On voit surgir, à l'occasion d'une crise, mille difficultés liées aux problèmes financiers. On ne connaît pas ses droits de pension et on ne les demande pas. Des épouses, écartées de la gestion quotidienne du ménage et n'ayant pas la signature sur le chéquier du mari, se trouvent désemparées à la mort de leur conjoint. Attention aussi aux lois sur l'héritage : l'épouse n'hérite pas automatiquement du mari et peut se trouver du jour au lendemain sans ressources, ni logement. Des patrimoines restent parfois inutilisés : une maison de famille, que l'on conserve pour les enfants, qui s'en désintéressent et n'iront jamais y habiter après la mort de leurs parents, pourrait être vendue, ce qui permettrait aux parents de se payer les aides nécessaires. Des enfants se sacrifient pour faire face à des situations de crise de leurs parents, sans oser demander à leurs frères et sœurs une participation aux frais, par crainte de réveiller trop de conflits.

L'aide à la gestion de ses ressources peut, bien sûr, se faire avec le parent le plus proche, mais la participation d'une tierce personne extérieure à la famille, en qui l'on a confiance, évite souvent des malentendus et des risques de détournements ou de maltraitances.

En cas de conflits de famille, une simple information ou une explication peut suffire. Parfois, il faudra conseiller une redistribution du patrimoine et de l'héritage, dire qui paie quoi et quelle demande d'aide est nécessaire, envisager une curatelle ou une tutelle complète. Mais parfois, c'est autour de ces problèmes d'argent que des souffrances accumulées prennent le masque d'une démence.

Denise B. est aujourd'hui une vieille dame qui perd un peu la tête. Cette femme, comptable scrupuleuse et « un brin radine », comme disait son fils vécut déjà très mal, en 1960, le passage aux nouveaux francs. Elle continua longtemps à penser les sommes en anciens francs, car cela lui permettait de se dire millionnaire. Elle s'est à nouveau sentie totalement persécutée lors du passage à l'euro.

Son fils fut obligé d'intervenir pour éviter la faillite et Denise dut être mise sous curatelle par le juge, puis placée en foyer-logement. Elle s'est dite alors prisonnière et dépouillée de sa fortune par sa famille.

Que lui répondre ? Que c'était elle qui se racontait des histoires ? Que c'était la vie qui avait été méchante avec elle et pas son fils ? Que s'il n'était pas intervenu dans cette affaire, la faillite aurait été pour elle une catastrophe ?

On peut espérer qu'avec beaucoup de temps, de soins et de patience de la part des soignants, Denise sera un jour plus sereine. En attendant, elle prend un malin plaisir à continuer à rédiger des chèques en « anciens francs », pour narguer son fils qui sera contraint de les refaire ! »

RD

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