samedi, juin 19, 2010

 

Le vieillissement de la population, une menace pour la Chine.










Qui aurait cru que la Chine, ce pays qui a le vent dans les voiles depuis quelques décennies, serait victime de ses propres politiques anti-natalistes ?

Voici un article de Lysiane Gagnon, journaliste à la Presse, intitulé « La révolte des fourmis », qui nous trace un portrait pas si réjouissant du succès économique de la Chine.

Une partie de l'essor économique de la Chine reposait sur son peuple de fourmis?: une main-d'oeuvre innombrable et disciplinée qui produisait à des cadences infernales, sans protection syndicale, d'innombrables objets «made in China». Mais la machine si bien huilée du modèle chinois commence à se gripper.

Dans les usines de Foxconn, un fabricant de matériel électronique situé à Shenzhen, une vague de suicides a fait les manchettes. Suivit un événement sans précédent dans ce pays où le droit de grève n'existe pas et où les syndicats, loin de défendre les ouvriers, ne sont que l'une des tentacules du Parti: une grève de 15 jours à l'usine Honda de Foshan. Une grève décidée par la base?! Les ouvriers demandaient 50% d'augmentation de salaire, ils en ont obtenu 33%, ce qui n'est pas un mauvais résultat dans un régime aussi autoritaire. À Foxconn, le scandale public provoqué par la vague de suicides a forcé l'entreprise à accorder une augmentation des salaires de l'ordre de 70%.

Avant que la révolte ne fasse boule de neige, le pouvoir a appliqué les freins. Les médias ont reçu l'ordre de passer sous silence la grève qui vient de commencer chez Kok, près de Shanghai. Selon le correspondant du Monde, la police est intervenue cinq jours après le début du débrayage, et plusieurs, parmi les 2000 grévistes, ont été arrêtés. Mais malgré le bâillon sur la presse, le mouvement de grève s'est récemment étendu à d'autres usines Honda, de même que dans la zone industrielle du Guangdong...

Dans les entreprises qui fabriquent du matériel sophistiqué, la main-d'oeuvre a une formation technique. Mais dans les usines de vêtements ou de jouets, par exemple, le personnel est le plus souvent composé de migrants de l'intérieur, des paysans venus des zones rurales qui sont embauchés pour des salaires dérisoires dans de gros complexes manufacturiers qui les logent (mal).

Un cinéaste sino-montréalais, Lixin Fan, a réalisé sur cette dure réalité un documentaire émouvant, Last Train Home, qui est passé l'an dernier sur nos écrans. On suit le parcours désolant d'un couple de paysans «exilé» dans une manufacture de vêtements. Après des années de sacrifices consentis dans l'espoir que leurs enfants, restés au village aux soins de la grand-mère, échapperaient à leur vie de misère, ils les voient avec douleur perdre intérêt à l'école et cesser d'étudier. Leur fille sera elle aussi une exilée de l'intérieur... mais optera pour la prostitution plutôt que pour l'usine.

Outre la pauvreté et la division des familles, le problème de ces ouvriers migrants est de vivre en quelque sorte dans des limbes. Ils sont privés de statut civil dans les villes où les a menés le travail, car ils ne peuvent obtenir le «?hukou?», le permis de résidence qui leur permettrait de s'intégrer à la vie urbaine. Par ailleurs, après s'être frottés aux merveilles que leur fait miroiter la ville, ils sont incapables de retourner à leur village.

L'autre facteur qui menace le modèle chinois, c'est le vieillissement de la population. La cruelle politique de l'enfant unique a produit ses fruits empoisonnés: la réserve illimitée de jeunes prêts à travailler pour des salaires de famine a commencé à se tarir. La population active passera de 227 millions cette année à 150 millions en 2024. Selon des analystes financiers interviewés par Le Monde, les entreprises n'auront pas le choix d'offrir des salaires plus élevés... mais leurs produits coûteront plus cher, diminuant d'autant l'attrait de la Chine comme fabricant d'objets destinés à l'exportation.

RD

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