dimanche, août 15, 2010

 

Comment aimer la vie à 105 ans?

Avec sa casquette, tel un capitaine de navire, Gérard Lagacé maintient le cap. «Rien ne me dérange», souligne-t-il avec une grande sérénité.

« L'été de leurs... 105 ans »

Article de Marie-Josée Nantel, Le Soleil

(Québec) Pour le commun des mortels, il est difficile d'imaginer de quoi serait remplie une vie de plus de 100 ans. Mais lorsqu'on rencontre Gérard Lagacé et Caroline Hamel, deux résidants de Québec qui auront franchi le cap des 105 ans cet été, on ne peut qu'espérer avoir eu une vie aussi comblée.

«Être encore vivant à mon âge, c'est une récompense de Dieu», croit M. Lagacé qui a fêté son 105e anniversaire le 9 août au restaurant l'Astral. Diplômé de l'École des Beaux-Arts de Québec dans les années 20, cet artiste a consacré 40 ans de sa vie à restaurer les oeuvres d'art des églises de la ville. «Je n'ai aucun regret. J'ai toujours fait quelque chose de bien pour Lui, précise-t-il au Soleil. Je n'ai jamais manqué d'ouvrage parce que j'aimais mon métier et parce que je n'ai jamais eu peur d'essayer», ajoute-t-il avec un sourire rusé.

Hormis le fait qu'il soit un peu sourd, peu d'indices laissent croire à son âge. Certes, son corps a fini par flancher un peu les dernières années et il se déplace uniquement en chaise roulante, mais M. Lagacé ne souffre d'aucune maladie.

À l'écouter enchaîner les anecdotes de sa vie dans les jardins du Centre d'hébergement et de soins longue durée Saint Brigid's Home à Sillery où il habite, on constate très vite qu'il n'a rien perdu de sa vivacité d'esprit. De mémoire, il cite le prix exact du gallon d'essence en 1931 ou encore celui d'un billet de tramway en 1947, l'année de sa disparition.

«J'aimerais ça en ravoir un. C'était un vrai plaisir de voyager là-dedans. Ça allait tellement bien! Vous ne savez pas tout ce qu'il y avait de beau à Québec dans mon temps», souligne-t-il avec nostalgie.

Aujourd'hui veuf, M. Lagacé a été marié pendant 60 ans à la même femme et a eu quatre enfants. Seuls deux d'entre eux sont encore vivants aujourd'hui, dont sa fille Louise, âgée de 76 ans, qui appelle tous les matins pour s'assurer qu'il va bien. Et quotidiennement, le personnel la rassure. «L'an passé, il a dit qu'il serait encore là dans un an et il est encore là», raconte au Soleil Suzanne Massé, la préposée qui s'occupe de ses soins quotidiens depuis quatre ans.

Le secret de sa longévité, selon lui? «Je mange beaucoup de peppermints et je bois de l'eau», s'esclaffe cet homme dont l'humour semble intarissable. Aussi un grand amoureux de la nature, M. Lagacé passe tous ses après-midi, hiver comme été, à respirer «l'air pur» dans la cour intérieure du Saint Brigid's et à lire.

«Il vit pour aller dehors», confirme Mme Massé. Elle prétend que le priver de sortir est la seule chose qui le chagrine.

«Cet été, il y a eu deux jours en ligne où on lui a refusé d'aller dehors à cause des canicules. Il était tellement à l'envers qu'on l'a sorti la troisième journée, mais on l'a installé à l'ombre, précise-t-elle. Sinon, c'est un gentleman à 100 %. Il est intelligent et respectueux envers les gens. Il est très apprécié ici. C'est l'homme idéal», rigole-t-elle.

Une vie bien remplie

Moins loquace, Caroline Hamel n'en a pourtant pas moins à raconter. Sa vie est digne d'une odyssée. Celle qui aura 105 ans le 30 août prochain a été éducatrice pour des comtes, des vicomtes et des lords d'Angleterre où elle est née.

Au fil de la conversation, elle évoque des histoires abracadabrantes comme celle d'un retour de voyage de Madère, dans un paquebot à la Titanic, où l'orage avait presque tué l'équipage ou celle de son premier mari, un Anglais de 25 ans son aîné avec qui elle tenait une auberge dans les lands. Ou encore celle de son deuxième mari, un Canadien français rencontré en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale et avec qui elle a déménagé ici pour consacrer sa vie au bénévolat avec des enfants malades. «Mais tout ça, ce sont des détails de ma vie privée qui n'intéresse pas le public», croit celle qui n'a jamais eu d'enfants et qui est aujourd'hui veuve.

Autobiographie

Réservée, voire même pudique avec Le Soleil, Mme Hamel a pourtant couché les grands moments de sa vie sur papier. Son autobiographie, Au fil du temps, déborde de détails savoureux. «J'aime m'habiller avec des accessoires spéciaux : des jupes à volants plissés, de larges ceintures de soie à noeud bouffant, des rubans dans les cheveux, etc.», a-t-elle écrit en parlant de son enfance.

Mme Hamel est d'une coquetterie sans nom. Elle tenait absolument à être coiffée pour rencontrer Le Soleil. «C'est une femme tellement fière. C'est ce qui la tient en vie», précise sa préposée, Jeanne Martin. «C'est une femme extraordinaire, très cultivée», mentionne un de ses meilleurs amis à la résidence, Yvon Charbonneau.

Pour célébrer son anniversaire, les employés lui organisent une fête à la fin du mois. «Elle espère que ce ne sera pas trop gros et la seule chose qu'elle nous a demandé, c'est une bière», précise Mme Martin qui lui porte une affection touchante, presque filiale.

Lorsqu'elle est arrivée au Saint Brigid's il y a 10 ans, Mme Hamel aurait dit : «Je suis à l'université de la vie ici». Devant un tel monument de vie, ce sont plutôt ceux qui la côtoient qui ont l'impression de tirer de grandes leçons.

RD

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