mardi, octobre 05, 2010

 

Parler d'euthanasie est-ce «prématuré»?

Les soins de vie de qualité d'abord, disent médecins de famille et infirmières

Article de Louise-Maude Rioux Soucy, 29 septembre 2010

Aussi longtemps que des soins de fin de vie de qualité ne seront pas acquis à tous, il sera impossible d'assurer aux Québécois une mort digne, ont fait valoir hier infirmières et médecins de famille. Au diapason devant la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, ceux-ci ont appelé le Québec à un examen de conscience sur la manière dont on accompagne nos mourants, reléguant la question de l'euthanasie au second plan.

La présidente de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) croit qu'il «est prématuré de parler d'euthanasie». Pour mourir dans la dignité, il faut d'abord être bien accompagné, ce qui se fait grâce à des soins de fin de vie de qualité auxquels peu de Québécois ont droit, a expliqué Gyslaine Desrosiers. «La réalité, c'est qu'on oblige trop souvent les infirmières à aller à l'encontre d'une mort digne en imposant des contextes de soins extrêmement agressifs.»

Sur le terrain, beaucoup d'infirmières affirment avoir à donner des soins qui s'apparentent à de «l'acharnement thérapeutique ou même à des protocoles expérimentaux qui cherchent à maintenir la vie», poursuit Mme Desrosiers. «On nous rapporte tous les jours des cas où les infirmières doivent donner des traitements qui ne font que prolonger la vie dans des conditions qui ne sont pas respectueuses de la condition humaine.»

Légaliser l'euthanasie ou le suicide assisté lui paraît trop hâtif dans ce contexte extrêmement difficile. «Il ne faudrait pas qu'il devienne plus facile de mourir que d'être soigné», a prévenu la présidente de l'OIIQ. Le Dr Louis Godin, qui présentait hier le mémoire de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), croit lui aussi «qu'il ne faudrait pas régler les déficiences du réseau de la santé avec l'euthanasie». Cela dit, il ne ferme pas la porte à l'euthanasie pour autant.

«L'euthanasie ne devrait être que l'ultime étape permettant d'assurer des soins de qualité, et ce, dans la dignité et le respect de la personne. Selon notre vision des choses, les actes d'euthanasie devraient donc être exceptionnels, voire rarissimes», a expliqué le président de la FMOQ. Sa fédération plaide en faveur d'une position à l'anglaise où l'euthanasie, sans être légalisée pour tous, est permise à une minorité dans certaines conditions, et ce, uniquement en fin de vie.

Dans l'hypothèse où il y aurait des soins palliatifs accessibles à tous les citoyens et des équipes qualifiées dans la gestion de la douleur partout, l'OIIQ convient qu'il subsisterait quand même toujours des cas échappant à la science. Pour ceux-là, sa présidente plaide l'exception. «Pour ceux-là, il pourrait y avoir des mécanismes d'exception bien balisés», a plaidé Mme Desrosiers, sans s'avancer sur les moyens à prendre pour les encadrer. «Nous ne sommes pas des juristes. Ce sera à la commission de voir.»

Cette petite ouverture est encore trop grande aux yeux du Réseau des soins palliatifs du Québec, qui craint des abus avec la légalisation de l'euthanasie. «L'évolution dangereuse des pratiques d'euthanasie devrait être connue du public. Il existe encore plusieurs inconnues sur les impacts à court, moyen et long terme du recours à l'euthanasie et au suicide assisté, ce qui oblige à la plus grande prudence.»

Ces craintes sont normales, mais il est possible d'y couper court en balisant soigneusement les pratiques, croit le collectif Mourir digne et libre. Dans son mémoire, le collectif réclame une approche «donnant la primauté à la personne en fin de vie et à ses choix» et, par conséquent, «que l'euthanasie médicale balisée et contrôlée soit reconnue comme un des soins appropriés de fin de vie».

Le Conseil de protection des malades a quant à lui voulu élargir le débat aux malades incurables. «Si l'on veut [...] un débat qui respecte le droit à l'égalité de tous devant la mort, le droit de mourir dignement doit être assuré à toute personne apte et qui est affligée par une maladie mortelle, dont les souffrances physiques ou morales sont devenues intolérables, [lorsqu'il] n'y a plus d'autre façon de traiter dignement la personne, que la mort soit imminente ou non.»

COMMENTAIRE DE PHILOMAGE

Le débat continue de plus belle! Maintenant, on reconnaît officiellement que les soins palliatifs sont insuffisants à l'échelle du Québec. De même, il y a des cas extrêmes de fin de vie où il n'y aurait rien d'autre à faire que de reconnaître une forme d'euthanasie, évidemment bien encadrée,…

Il était temps que l'on remette les pendules à l'heure d'aujourd'hui et de demain, en raison de l'arrivée massive à la retraite des baby-boomers. La gestion de cette marée humaine au plan des soins de santé ne sera sûrement pas une sinécure.

RD

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