lundi, décembre 27, 2010

 

La retraite? Non merci, disent les supers papis

Jean Charton, 86 ans, fondateur et président du conseil Charton-Hobbs, le plus important importateur privé de vins et spiritueux au Canada.

Article de Stéphane Champagne, La Presse, 24 décembre 2010

Ils ont été chefs d'entreprise toute leur vie. Certains d'entre eux ont bâti de petits empires ou figurent carrément sur la liste des plus grandes fortunes du Québec. Ils ont aujourd'hui entre 83 et 92 ans et refusent de prendre leur retraite. Pour ces infatigables travailleurs, les affaires, c'est à la vie, à la mort. Rencontre avec les doyens québécois de l'entrepreneuriat.

Karel Velan l'avoue sans ambages: il va travailler jusqu'à sa mort. Cet homme d'affaires de 92 ans est sans doute le plus vieil entrepreneur encore en poste au Québec. Président du conseil de Velan, un fabricant de robinetterie industrielle qui possède des usines aux quatre coins du monde, M. Velan se rend tous les jours au siège social montréalais de l'entreprise sur le chemin de la Côte-de-Liesse au volant de sa Honda hybride.

Ce Tchèque d'origine est arrivé sans le sou au Canada en 1949. Un an plus tard, il fondait sa propre entreprise, laquelle a enregistré à l'époque des ventes de 180 000$. Soixante ans plus tard, le chiffre d'affaires de Velan frôle le demi-milliard. L'entreprise possède 13 usines sur 3 continents et emploie 1800 personnes (dont 950 au Québec). Elle compte parmi ses clients prestigieux la marine américaine.

Qu'est-ce qui fait courir Karel Velan? L'innovation et le désir de se sentir utile, dit-il. Ingénieur de formation, M. Velan détient 26 brevets pour le développement de purgeurs, valves papillons et autres pièces de robinetterie industrielle. Son dernier brevet remonte à 2001, alors qu'il avait 83 ans. Les week-ends, à sa résidence de Sutton, le nonagénaire passe quelques heures dans son bureau à dessiner des plans.

Passionné d'astrophysique, le vieil entrepreneur a conçu et financé le Cosmolab Velan au parc national du Mont-Mégantic. Il est également à l'origine du pavillon Velan au parc national du Mont-Tremblant.

Une vie de luxe

Jean Charton, lui, est en affaires depuis 62 ans. «Personne ne peut me mettre à la porte», lance-t-il à la blague. À 86 ans, M. Charton est président du conseil de Charton-Hobbs, le plus important importateur de vins et spiritueux au Canada. Il représente entre autres les prestigieuses maisons Moët&Chandon, Banfi et autres Grand Marnier.

M. Charton avoue qu'il s'ennuierait s'il devait cesser de travailler. «Cette entreprise, ce n'est pas seulement mon bébé, c'est ma vie. J'ai la chance de travailler dans un domaine où je rencontre des gens intéressants, des gens de partout dans le monde avec qui je partage une même passion. Pourquoi est-ce que je voudrais arrêter cela?» demande-t-il.

L'entrepreneur a été entouré par des produits de luxe toute sa vie. Avant de se consacrer uniquement aux boissons alcoolisées à la fin des années 90, Jean Charton a été importateur canadien de produits européens haut de gamme. Du parfum aux eaux minérales, en passant par les produits alimentaires et pharmaceutiques. Les marques Lanvin, Bain de Soleil, Bonne Maman et Evian, il connaît.

Encore maintenant, l'homme d'affaires se rend au boulot tous les jours de la semaine. De son bureau de L'Île-des-Soeurs (avec vue imprenable sur le centre-ville de Montréal), Jean Charton s'occupe notamment des budgets de l'entreprise, de publicité, d'analyse financière, des contacts avec les fournisseurs, etc.

Un géant de l'entrepreneuriat

Pharmacien le plus connu au Québec (et sans doute l'un des plus âgés), Jean Coutu ne compte pas prendre sa retraite. «Quand je la prendrai, ce sera une retraite dont on ne revient pas», lance l'entrepreneur de 83 ans qui nous reçoit au siège social de l'entreprise, vêtu de son éternelle blouse blanche.

M. Coutu dit travailler en moyenne six mois par année au sein de la chaîne de pharmacies qu'il a fondée dans les années 60 et qui compte aujourd'hui 17 000 employés. Le reste de l'année, il vaque à d'autres occupations, notamment dans la fondation que sa femme Marcelle et lui ont mise sur pied il y a plusieurs années. Cette fondation verse entre 9 et 12 millions annuellement à divers organismes d'ici et d'ailleurs.

Et parce qu'il demeure propriétaire franchisé de quatre pharmacies, Jean Coutu est encore membre de l'Ordre des pharmaciens du Québec. Sinon, il participe aux décisions de l'entreprise et s'intéresse grandement à ses franchisés. Il tente d'ailleurs de visiter le plus de pharmacies possible pour y serrer la pince des employés, lesquels n'en reviennent pas de rencontrer en personne ce géant de l'entrepreneuriat québécois.

Un pédagogue infatigable

Camille-Joseph Grenier, 85 ans, est président de C.J. Grenier, fabricant québécois de lingerie fine. L'entreprise a été fondée par son grand-père en 1860. Ingénieur de formation, M. Grenier a commencé à travailler pour l'entreprise familiale à la fin de la Seconde Guerre mondiale. C'est grâce à lui que la PME connaît à l'époque un essor technologique.

À Montréal, au siège social de l'entreprise, c'est Ève Grenier, la fille de Camille, qui voit au bon déroulement des activités quotidiennes du manufacturier. Mais à l'usine de production de Saint-Jean-sur-Richelieu, M. Grenier est LA référence. Il se fait volontiers pédagogue et guide ses employés lorsque survient un problème.

Sylvie Mills, directrice d'usine depuis 15 ans, ne peut que confirmer la chose. «Il connaît tout, il se souvient de tout. Il partage son savoir. Il nous éduque sur le tas. C'est en quelque sorte notre mentor», dit-elle.

À l'instar de ses collègues âgés, Camille-Joseph Grenier ne voit pas pourquoi il devrait se retirer dans ses terres et regarder le temps passer. «Si je peux me rendre utile comme pour aider à concevoir une nouvelle machine, je m'amuse énormément», dit-il.

Et les femmes dans tout ça?

Pour des raisons sociologiques et historiques, les femmes âgées qui sont toujours en affaires ne courent pas les rues au Québec. Il y en a pourtant. Disparue il y a un an, Jeannine Guillevin Wood est demeurée présidente du conseil de Guillevin International jusqu'à l'âge de 80 ans.

Mme Guillevin Wood a hérité d'une PME de 30 employés à la mort de son premier mari. Au lieu de s'en départir, elle a tout mis en oeuvre pour en faire une grande entreprise de 1000 employés dont elle a été présidente jusqu'à 65 ans. Elle a ensuite vendu ses parts à des intérêts américains pour demeurer présidente du conseil jusqu'à sa mort. Une biographie, intitulée Le parcours singulier d'une femme d'exception et retraçant la vie de la femme d'affaires, vient d'ailleurs de paraître.

Maintenant que les femmes sont de plus en plus présentes dans le milieu des affaires et que leur espérance de vie est supérieure à celle des hommes -, il y a fort à parier qu'on ne verra plus exclusivement que des «papis» en affaires, mais aussi un nombre croissant de «mamies».

COMMENTAIRE DE PHILOMAGE

Les exceptions confirment la règle : peu de personnes échappent à une retraite bien méritée!

RD

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