mardi, janvier 11, 2011

 

Des personnes âgées plein les urgences

Article d'Ariane Lacoursière, La Presse, 8 janvier 2011

Le taux moyen d'occupation des urgences de Montréal était de 141% hier (7 janvier), soit 8% de moins que la veille. Mais, en banlieue, l'hôpital Pierre-Le Gardeur, à Terrebonne, et l'Hôpital de Saint-Eustache enregistraient des taux d'occupation de 256% et 304% respectivement. Le vieillissement accéléré de la population, dans ces deux régions, est lourd de conséquences. À Saint-Eustache, 60% des civières des urgences étaient occupées par des personnes âgées de 65 ans et plus, hier.

L'hôpital Pierre-Le Gardeur ne possédait pas de statistiques à jour. « Mais jeudi à 15h, 93 de nos 98 civières étaient occupées par des personnes âgées de 65 ans et plus », note la responsable des communications de l'hôpital, Lyne Lebrun.

« Entre 60% et 70%, c'est ce qu'on observe un peu partout. Au Québec, le système de santé est bâti autour de l'hôpital. Or, on sait que pour les patients âgés atteints de maladies chroniques, l'hôpital n'est pas la meilleure façon d'être pris en charge », mentionne l'urgentologue Alain Vadeboncoeur.

Dans un article publié jeudi dans le quotidien La Tribune, le Dr Réjean Hébert, gériatre et doyen de la faculté de médecine et des sciences de la santé de l'Université de Sherbrooke, affirme que « 85% des allocations pour les soins de longue durée vont aux institutions par rapport à seulement 15% aux soins à domicile ». « Il devrait y avoir un meilleur équilibre avec les soins à domicile », croit le Dr Vadeboncoeur.

Le président de l'Association de défense des droits des retraités et préretraités, Louis Plamondon, estime que le Québec fait preuve de « négligence sociale » dans la prise en charge des personnes âgées. « Ça crée de la pression aux urgences. Prenez par exemple le fait que 60% des aînés en centre d'hébergement souffrent de dénutrition. Tout ça contribue à leur affaiblissement général et les mène vers les urgences », affirme M. Plamondon.

En 2005, 20,3% des patients soignés aux urgences de l'Hôpital de Saint-Eustache étaient âgés de 75 ans et plus. « Aujourd'hui, elles sont 25% », affirme la responsable des communications au centre de santé et de services sociaux du Lac-des-Deux-Montagnes, Lyne Des Trois Maisons.

Même son de cloche à l'hôpital Pierre-Le Gardeur, dont les urgences sont occupées à plus de 200% depuis le 1er janvier. En 2004, 19% des patients avaient plus de 75 ans. Aujourd'hui, c'est le cas de 24% des patients.

La porte-parole de l'opposition officielle sur la question des aînés, Lisette Lapointe, croit que si les personnes âgées avaient un médecin de famille ou bénéficiaient de soins à domicile adéquats, elles seraient moins nombreuses à se rendre aux urgences. « Actuellement, le gouvernement refuse de régler le problème de première ligne et recule dans les soins à domicile. Au CSSS Jeanne-Mance, à Montréal, on met sur une liste d'attente les aînés qui ont besoin de soins à domicile! » dénonce-t-elle.

Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, soutient que les personnes âgées de 75 ans et plus représentent entre 40% et 60% des jours-présence aux urgences. « Ces gens sont plus fragiles de façon générale. Ce n'est pas nécessairement le système et les services qui sont mal organisés », dit le ministre, qui ajoute que même si les soins à domicile étaient optimaux au Québec, les aînés très malades devraient quand même se rendre à l'hôpital.

Quant à la crise qui touche les urgences depuis le début de l'année, M. Bolduc affirme que cela se produit chaque année. Il se défend de n'avoir rien fait et se réjouit de ce que seulement neuf hôpitaux, de la centaine que compte la province, sont actuellement en crise. « On avait prévu la crise. À l'hôpital Pierre-Le Gardeur, on a ouvert des lits en CHSLD. Avant Noël, 107 personnes attendaient une place en CHSLD à l'hôpital. Là, on parle de 52. À Saint-Eustache, on a annoncé l'ajout de neuf civières aux urgences. Et d'ici à l'été, 80 lits seront ajoutés dans l'hôpital », affirme le ministre.

Selon lui, certaines situations restent toujours imprévisibles. « Comme cette année, il y a la grippe qui arrive plus tôt et la gastro. On tente de tout prévoir, mais on ne peut pas », note M. Bolduc.

COMMENTAIRE DE PHILOMAGE

Dans un autre article paru sur CyberPresse, Ariane Lacoursière s'arrête sur les causes de l'encombrement vécu aux Urgences :

  1. La campagne de vaccination du ministère de la Santé n'a pas été aussi efficace cette année, ce qui explique en partie l'achalandage accru observé dans les urgences de la province depuis le jour de l'An. Hier, les salles des urgences de la région montréalaise étaient occupées à 147%. Dans certains hôpitaux, comme à l'hôpital de Saint-Eustache, le taux dépassait les 300% pour la troisième journée consécutive.
  2. Le directeur de la protection de la santé publique au ministère de la Santé, le Dr Horacio Arruda, reconnaît que « le taux de vaccination a diminué cette année dans certains groupes de personnes à risque ». « Peut-être que les gens qui ont reçu le vaccin de la grippe A (H1N1) l'an dernier se croient encore immunisés... Mais non. J'invite les gens à aller se faire vacciner », a répété le Dr Arruda.
  3. Urgentologue à l'hôpital de Gatineau, le Dr Pierre Bourassa voit aussi une explication à l'achalandage accru cette année aux urgences. « L'an dernier, tout le monde utilisait du Purell à fond et se lavait les mains par crainte d'attraper la grippe A (H1N1). Pas cette année. Je pense qu'il y a moins de crainte et qu'on fait moins de prévention », dit-il.
  4. « Cette année est exceptionnelle pour le nombre de personnes à risque qui viennent aux urgences avec la grippe, confirme l'urgentologue Marc Béique. On a même des gens aux soins intensifs avec la grippe. Ça, c'est inhabituel. »

Face à ces explications, il ressort clairement que les personnes à risque et leur entourage immédiat ne profitent pas assez des mesures publiques et gratuites, comme la vaccination annuelle. Se faire vacciner annuellement est une forme de prévention efficace contre les maladies associées à la grippe et contre la grippe elle-même. Il saute aux yeux que les campagnes de vaccination doivent être publicisées et on devrait même constituer des listes de personnes à risque et les appeler pour qu'elles aillent se faire vacciner. On le fait bien lorsqu'il est temps de faire voter les personnes âgées. Ça, c'est le premier point.

Le deuxième point, c'est l'incapacité du système de santé québécois à faire face à des situations d'urgence qui se répètent année après année. Avec le vieillissement de la population, il devra y avoir un « plan d'attaque annuel » à l'échelle du Québec et décentralisé en régions pour faire face aux épidémies récurrentes, avec des cliniques et urgences ciblées et préparées à affronter l'accroissement soudain de la demande en soins de santé. Ce plan serait mis au point avec l'aide des gestionnaires et administrateurs en postes au ministère de la Santé, de concert avec les milieux hospitaliers et les cliniciens. Ce serait une bonne façon de faire de la prévention et de canaliser des ressources aux bons endroits.

Ça n'a pas de sens qu'une population comme le Québec ne profite pas des mécanismes de la vaccination annuelle à ce point. À cet égard, l'Ontario fait nettement mieux. On a l'impression qu'à chaque année, on travaille comme « des pompiers qui cherchent à éteindre un feu récurrent ». Pire! J'ai même entendu parler qu'il y a de plus en plus de parents qui ne font plus vacciner leurs enfants contre les maladies de l'enfance. Est-ce possible de rétrograder à ce point ?

C'est aussi par le bouche à oreille entre patients et médecins cliniciens que le message de la prévention doit passer et que la vaccination doit devenir une pratique courante, incluant toutes les personnes à risque et leur entourage. Ce n'est pas juste de mettre la pression sur le ministre Bolduc qui récolte tous les blâmes, à chaque année! Quant à moi, je serais beaucoup plus directif et je serrerais la vis aux récalcitrants. Après tout, c'est la vie de tout le monde qui est en jeu dans une épidémie de grippe maligne!

RD

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