vendredi, janvier 28, 2011
Oui à une forme d'épargne forcée
Il ne faut pas se surprendre que la suggestion de Claude Castonguay de forcer les salariés qui n'ont pas de régime de retraite à épargner davantage ait été rejetée par plusieurs politiciens et observateurs. Ne sommes-nous pas des experts dans l'opposition systématique aux projets et aux idées nouvelles ?
Trois grandes raisons expliquent ce rejet. La première est l'aversion des politiciens à imposer toute mesure qui déplaît aux citoyens. Il est en effet plus facile de reporter les problèmes dans la cour de leurs successeurs.
La deuxième raison est la perception que la classe moyenne n'a pas les moyens d'épargner davantage. Il est vrai que celle-ci est déjà très taxée, mais ce n'est rien par rapport à ce qui l'attend si on laisse aller à la retraite de plus en plus de personnes incapables de subvenir à leurs besoins. Une bonne proportion d'entre eux pourraient vivre 20 ans et plus sans autre revenu que les pensions de l'État.
Bien sûr, comme il n'est pas dans notre culture de laisser les gens dans la misère absolue, l'État va s'occuper d'eux... avec l'argent des contribuables de cette même classe moyenne, qui paient déjà la plus grande part des taxes et des impôts récoltés par le gouvernement. Pourquoi elle ? Parce que 40 % des contribuables ne paient pas d'impôt et que les riches sont trop peu nombreux. Taxer davantage ces derniers serait les inviter à envoyer leur argent à l'étranger ou à émigrer. On ne peut pas non plus taxer davantage les entreprises et leurs profits, car cela pourrait être suicidaire pour notre économie, la concurrence étrangère s'intensifiant et le fardeau fiscal des sociétés baissant partout.
L'autre grande raison a trait au rôle de l'État. De quoi se mêle-t-il encore une fois ? Qu'on laisse les gens gérer leurs affaires, dit-on.
Des citoyens infantilisés
Il est cocasse d'entendre cet argument dans une province où l'État-providence est omniprésent et où la grande majorité de la population adore qu'il en soit ainsi. L'État pige dans nos poches pour financer des garderies à 7 $ par jour, uniques en Amérique, pour financer le régime d'assurance parentale le plus généreux d'Amérique, pour justifier les droits de scolarité universitaire les plus bas d'Amérique, pour offrir le meilleur régime d'assurance médicaments d'Amérique, etc.
Cette prise en charge étatique a déresponsabilisé, voire infantilisé nombre de citoyens. Ils aiment leur vie de cigales, sans trop se demander de quoi ils vivront quand ils ne pourront plus travailler. L'État a déjà pris en charge la défense nationale, la sécurité publique, les infrastructures de transport, la gestion de l'eau et des déchets, la protection de l'environnement, l'éducation, la santé et une partie de la retraite des citoyens. L'autre partie a été laissée à la société civile, mais le résultat est un quasi-échec. Près des deux-tiers des salariés n'ont pas de régime de retraite de leur employeur, et parmi ceux qui en ont un, plus de 50 % travaillent pour l'État. De plus, les sociétés qui offraient à leurs employés un régime de retraite à prestations déterminées le remplacent par un régime à cotisations déterminées, transférant ainsi le risque de la rente aux retraités.
En outre, seulement 25 % des travailleurs cotisent à un régime enregistré d'épargne retraite (REER) et seulement 7 % des personnes de 65 ans et plus en tirent un revenu. Qui plus est, ce revenu ne compte que pour 2 % de leurs revenus totaux, ce qui indique bien l'insuffisance du REER comme complément de revenu pour les retraités.
Claude Castonguay propose d'obliger les salariés qui ne bénéficient pas d'un régime d'employeur et qui gagne entre 30 000 $ et 80 000 $ par année à placer 5 % de leur revenu dans un REER. Cette cotisation serait déductible du revenu imposable. Cet actif pourrait aussi servir à l'achat d'un logement.
En passant, ce n'est rien à côté du système d'épargne forcée instauré à Singapour en 1955, qui prévoit des cotisations de 20 % par les salariés et de 15,5 % par les employeurs pour financer des fonds d'investissement et de protection du revenu (retraite, habitation, santé, etc.). Singapour est un des pays les plus prospères, et la Chine a copié ce système.
La proposition Castonguay est un mal nécessaire pour les cigales qui refusent d'épargner et une question de justice envers les fourmis qui planifient leur retraite. Cette proposition mérite d'être débattue, et non pas d'être condamnée cavalièrement, comme l'ont fait des gens qui n'ont même pas de solution de remplacement à proposer.
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