samedi, août 13, 2011
Personnes âgées laissées à elles-mêmes
Article de Jean-Luc Lavallée, Journal de Québec, 8 août 2011
Une coopérative de services d’aide à domicile de Québec, qui peine à recruter, lance un cri du cœur pour combler une dizaine de postes. En attendant les renforts, plusieurs bénéficiaires âgés sont privés de services et souffrent d’isolement.
Les besoins sont criants. Plus de 130 personnes sont dans l’attente.
« Moi, j’engagerais dix préposés à temps plein demain matin! Je n’en peux plus, c’est trop triste... Les gens nous demandent c’est quand qu’on va pouvoir les aider et je suis obligée de leur dire que ça va peut-être prendre deux mois. En plus, il y a 30 % de notre liste d’attente qui est constituée de gens de plus de 80 ans », se désole la directrice de la Coopérative de services à domicile du Cap-Diamant, Michèle Bussières.
Découragée face à cette pénurie de personnel, la dame qui embauche déjà 85 employés a contacté Le Journal de Québec dans l’espoir de convaincre des lecteurs sans emploi de joindre ses rangs.
Recherchés : préposés à domicile, temps plein ou temps partiel, 11 $ l’heure, choix du territoire selon le lieu de résidence, horaire flexible selon disponibilités, formation offerte, congés de maladie, conciliation travail-famille.
Dur, dur de recruter à Québec, faut-il en déduire, là où le taux de chômage est le plus bas au pays, à 4,8 % en juillet. La rémunération offerte est pourtant légèrement supérieure au salaire minimum et les conditions de travail sont relativement avantageuses.
« C’est clair que ce n’est pas tout le monde qui veut faire ça. Des fois, on en engage, mais au bout de deux ou trois semaines, ils nous disent qu’ils ne sont pas faits pour ça. » La moyenne d’âge des employés de la Coop est de 45-50 ans. »
Pas des « femmes de ménage »
Au-delà de l’entretien ménager et de la préparation de repas, on cherche des employés dévoués qui veulent aider leur prochain.
« Il faut valoriser ce travail-là et le côté humain. Les gens qui hésitent entre un travail dans un entrepôt ou chez nous, ce n’est pas ce genre de personnes là que je recherche. Les préposés à domicile doivent aussi écouter et rassurer les personnes, veiller sur eux et prévenir des situations malheureuses qui pourraient aggraver leur qualité de vie », ajoute Mme Bussières.
« C’est sûr qu’au niveau salaire, ce n’est pas ce qu’il y a de plus élevé, mais moi je le fais par passion parce que j’aime le côté humain, confie Barbara Hodgson, qui fait ce travail depuis un an et demi. Moi, je ne suis pas une femme de ménage. Je vois l’être humain avant de voir le torchon. Avec une guenille dans les mains, on a le temps de parler. »
Phénomène non exclusif à la région de Québec
Directrice de la Coopérative de services à domicile du Cap-Diamant, Michèle Bussières lance un cri du coeur afin de combler le manque d'effectifs.
La pénurie de personnel dans le secteur de l’aide à domicile n’est pas exclusive à la région de Québec. Le phénomène touche l’ensemble de la province.
« Le recrutement de personnel est difficile partout au Québec. Nous, on couvre l’ensemble des régions et c’est généralisé. Je me plais à dire que, demain matin, si on avait quelques centaines de nouveaux préposés, on pourrait tous leur trouver de l’emploi », confirme le directeur général de la Fédération des coopératives de services à domicile et de santé du Québec, J. Benoît Caron, pour illustrer l’ampleur de la problématique.
Population vieillissante
« La demande a grandi avec le vieillissement de la population et la situation de l’emploi a changé. On a donné 5,6 millions d’heures de service l’an dernier au Québec », ajoute M. Caron. Malgré le coup de pouce financier du gouvernement en mars dernier, destiné aux entreprises et aux usagers les plus démunis, le problème de recrutement de préposés à domicile demeure entier.
« Les gens qui veulent juste faire du ménage, ce n’est pas un emploi qui les intéresse. Je ne pense pas qu’une femme de ménage qui fait des ménages dans un hôtel va être nécessairement heureuse en faisant ça. Ça prend quelqu’un qui a une volonté d’aider et d’accompagner. La relation avec l’usager dépasse largement la simple intervention au niveau de l’aide domestique. »
COMMENTAIRE DE PHILOMAGE
Sans connaître à fond la question de l'organisation des services à domicile, on peut se demander si le manque de personnel n'est pas lié à un manque d'incitatifs à venir travailler dans ce domaine d'activité économique. Si « la relation avec l'usager dépasse largement la simple intervention au niveau de l'aide domestique », il y a lieu de se demander s'il ne faudrait pas former des préposés au soin des personnes âgées, comme on l'exige maintenant dans les garderies pour enfants.
Aujourd'hui, pour s'occuper des enfants, il faut une formation et des diplômes. Je pense que c'est aussi nécessaire de former dans les écoles secondaires, les Cégeps et les universités, les personnes qui se destinent à s'occuper des personnes âgées. C'est fini le temps où c'était une question « d'aider et d'accompagner » des personnes qui demandent des soins et des attentions relativement importants, et de les payer à des salaires dérisoires. Le bénévolat a sa place pour les gens démunis, qui reçoivent une aide financière de l'État québécois. Mais, maintenant, tout travail en général mérite une rémunération adéquate, selon la complexité de la tâche et le niveau requis de formation et d'expérience.
Les Seniors, par leur nombre croissant, deviennent une classe sociale, avec des besoins spécifiques; ils seront bientôt plus nombreux que les jeunes de moins de 24 ans. Par conséquent, l'approche (la demande et l'offre de services) doit s'ajuster aux nouveaux contextes sociaux : ce sont de nouveaux services structurés que l'on doit offrir à la population, dispensés par des personnes qualifiées qui recevront en retour une compensation monétaire et des conditions de travail adéquates. C'est le prix à payer pour avoir à portée de la main une main-d'oeuvre dévouée et disponible en tout temps.
Autrement, les personnes à la retraite (particulièrement ceux âgées) se verront reléguées au second plan et passeront pour des personnes abandonnées par la société québécoise.
Autrement, les personnes à la retraite (particulièrement ceux âgées) se verront reléguées au second plan et passeront pour des personnes abandonnées par la société québécoise.
RD
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