dimanche, novembre 13, 2011
Point de vue de Nicole F. Bernier : Quel plan pour les aînés au Québec?
Mme Nicole F. Bernier est directrice de recherche du programme « Les défis du vieillissement », à l'Institut de recherche en politiques publiques.
En cette année 2011, les baby-boomers commencent à franchir, à 65 ans, l'âge officiel de la retraite, et, d'ici 20 ans, pas moins d'un Québécois sur quatre en aura fait autant.
Le vieillissement de la population n'est pas unique au Québec : il touche aussi les autres provinces canadiennes et les pays fortement industrialisés. Cela dit, les démographes soulignent depuis déjà longtemps que le phénomène sera plus accentué ici qu'ailleurs dans le monde et qu'il pose un défi collectif sans précédent.
Il semble que les Québécois abordent le phénomène avec beaucoup d'improvisation. Les deux tiers des baby-boomers n'ont pas d'économies pour la retraite. Ils sont très nombreux à compter sur les programmes publics pour leur assurer un revenu et pour leur venir en aide avec les tâches ménagères et les soins personnels, dans l'éventualité où ils subissent une perte d'autonomie liée au vieillissement.
C'est souvent avec étonnement, et juste au moment où leurs proches ont eux-mêmes besoin des services publics, que les Québécois découvrent que de tels services ne sont pas au rendez-vous, ou alors pas disponibles en quantité adéquates.
Au contraire. Si les programmes publics veulent maintenir les aînés dépendants à domicile le plus longtemps possible, ils comptent avant tout, pour ce faire, sur le soutien des proches aidants. Ces derniers sont la plupart du temps des membres de la famille et en très grande majorité des femmes, qui apportent quelque 70 à 85 % de l'aide dispensée aux aînés en perte d'autonomie. Bien qu'ils dispensent de soins et des services gratuitement, parfois au détriment de leur propre santé et bien-être, ils reçoivent pour le moment très peu d'appuis financiers et de services publics.
Les programmes actuels sont en fait des solutions de dernier recours. Loin de procurer des services publics universels que tout citoyen peut s'attendre à recevoir de plein droit, ils dispensent plutôt des services bas de gamme, accessibles aux personnes sans autres ressources.
Il y a clairement un écart entre les attentes des citoyens et celles des pouvoirs publics et, si rien n'est fait, cela promet beaucoup d'insatisfaction dans les prochaines années, alors que la population en perte d'autonomie va s'accroître rapidement.
NÉCESSAIRE RÉVISION
Et pourtant, la nécessaire révision des programmes et des services publics se discute encore en marges des grands débats sociaux. Comment comparer, maintenant et plus tard, une prise en charge adéquate des personnes âgées dépendantes? Comment procurer aux proches aidants le soutien dont ils ont réellement besoin? Et, surtout, comment devrait-on s'y prendre pour financer de tels services?
Ailleurs au Canada, on commence à proposer des solutions. Par exemple, la gérontologue Neena Chappell propose, dans une étude récente de l'Institut de recherche en politique publiques, la création d'un système national de soins à domicile qui tiendrait compte à la fois des besoins des personnes âgées en perte d'autonomie et de ceux des proches aidants. Alors que les provinces s'apprêtent à renégocier avec le gouvernement fédéral le renouvellement, en 2014, de l'Accord sur la santé, le Québec serait bien avisé de préparer, lui aussi, un plan de match pour pouvoir fournir des services de santé adaptés aux besoins imminents de sa population vieillissante.
Je donne entièrement raison à Mme Bernier, mais j'aurais aimé que cette proposition de définir un « plan de match pour pouvoir fournir des services adaptés aux besoins imminents de la population vieillissante du Québec » soit inscrite à l'intérieur d'une enveloppe budgétaire globale comprenant tous les programmes sociaux. Pourquoi? Parce qu'il faut faire des choix et pas les moindres sur le plan du budget de l'État québécois. Par exemple, peut-on continuer éternellement à facturer à 7 $ par jour les frais de garderie par enfant, alors que l'État en assume la plus grande partie? Le nouveau programme pour aider les couples stériles à avoir un enfant par insémination artificielle, jusqu'où doit-on financer? Etc., etc. ... !
Tout le monde doit finalement payer pour les programmes mis sur pied et administrés par l'État, via le fonds consolidé de la Province. Et, le déficit continue de croître, parce que la richesse collective n'est pas suffisante pour couvrir tous les besoins de la population, y compris évidemment ceux des aînés qui vont croissants. Alors, que faire?
Actuellement, nous assistons à la marginalisation de la famille traditionnelle; nous vivons le retour du pendule des Québécois et Québécoises des générations précédentes qui n'ont pas fait suffisamment d'enfants; le temps de la retraite est arrivé pour les premiers baby-boomers et on voudrait les garder actifs sur le marché du travail; le fardeau des déficits budgétaires est reporté sur les prochaines générations de travailleurs; le vieillissement en accéléré de la population québécoise crée de nouveaux besoins incontournables où l'État devra s'investir d'une manière ou d'une autre.
Il apparaît clairement que les citoyens, quel que soit leur statut social, devront s'assumer beaucoup plus et comprendre que l'État québécois ne peut tout prendre en charge. Alors, il faut se poser la question suivante : qui et quoi prioriser? C'est fondamental et inéluctable. Il est certain que les aînés doivent avoir leur juste part du gâteau, celle qui leur revient de droit, sinon c'est le désastre socialement parlant.
On pourrait remettre en question les frais de garderie à 7 $, si le bien-être des aînés est en jeu. Mais, quel gouvernement aura les culottes de le faire? Selon moi, la vraie réponse est celle-ci : il n'y aurait pas de faim ou famine dans le monde, si la justice distributive était respectée. Pour nos aînés et les aidants, il faut souhaiter que le partage des ressources budgétaires et financières tiennent compte des besoins de tous, en partageant équitablement. Sinon, il faudra travailler plus fort pour hausser le niveau de la richesse collective pour pouvoir se payer des services ou programmes additionnels. Autrement, il y aura des grincements de dents de la part des citoyens démunis, surtout chez les personnes âgées. Et, là, Mme Bernier a marqué un point en suggérant de penser, dès maintenant, avoir en main un plan de match qui tienne compte des besoins croissants des aînés.
RD
Essentiellement, l'auteure croit que les programmes actuels sont des solutions de derniers recours qui dispensent des services de bas de gamme accessibles aux personnes sans autres ressources.
En cette année 2011, les baby-boomers commencent à franchir, à 65 ans, l'âge officiel de la retraite, et, d'ici 20 ans, pas moins d'un Québécois sur quatre en aura fait autant.
Le vieillissement de la population n'est pas unique au Québec : il touche aussi les autres provinces canadiennes et les pays fortement industrialisés. Cela dit, les démographes soulignent depuis déjà longtemps que le phénomène sera plus accentué ici qu'ailleurs dans le monde et qu'il pose un défi collectif sans précédent.
Le Québec est-il bien préparé à relever ce défi?
Il semble que les Québécois abordent le phénomène avec beaucoup d'improvisation. Les deux tiers des baby-boomers n'ont pas d'économies pour la retraite. Ils sont très nombreux à compter sur les programmes publics pour leur assurer un revenu et pour leur venir en aide avec les tâches ménagères et les soins personnels, dans l'éventualité où ils subissent une perte d'autonomie liée au vieillissement.
C'est souvent avec étonnement, et juste au moment où leurs proches ont eux-mêmes besoin des services publics, que les Québécois découvrent que de tels services ne sont pas au rendez-vous, ou alors pas disponibles en quantité adéquates.
Au contraire. Si les programmes publics veulent maintenir les aînés dépendants à domicile le plus longtemps possible, ils comptent avant tout, pour ce faire, sur le soutien des proches aidants. Ces derniers sont la plupart du temps des membres de la famille et en très grande majorité des femmes, qui apportent quelque 70 à 85 % de l'aide dispensée aux aînés en perte d'autonomie. Bien qu'ils dispensent de soins et des services gratuitement, parfois au détriment de leur propre santé et bien-être, ils reçoivent pour le moment très peu d'appuis financiers et de services publics.
Les programmes actuels sont en fait des solutions de dernier recours. Loin de procurer des services publics universels que tout citoyen peut s'attendre à recevoir de plein droit, ils dispensent plutôt des services bas de gamme, accessibles aux personnes sans autres ressources.
Il y a clairement un écart entre les attentes des citoyens et celles des pouvoirs publics et, si rien n'est fait, cela promet beaucoup d'insatisfaction dans les prochaines années, alors que la population en perte d'autonomie va s'accroître rapidement.
NÉCESSAIRE RÉVISION
Et pourtant, la nécessaire révision des programmes et des services publics se discute encore en marges des grands débats sociaux. Comment comparer, maintenant et plus tard, une prise en charge adéquate des personnes âgées dépendantes? Comment procurer aux proches aidants le soutien dont ils ont réellement besoin? Et, surtout, comment devrait-on s'y prendre pour financer de tels services?
Ailleurs au Canada, on commence à proposer des solutions. Par exemple, la gérontologue Neena Chappell propose, dans une étude récente de l'Institut de recherche en politique publiques, la création d'un système national de soins à domicile qui tiendrait compte à la fois des besoins des personnes âgées en perte d'autonomie et de ceux des proches aidants. Alors que les provinces s'apprêtent à renégocier avec le gouvernement fédéral le renouvellement, en 2014, de l'Accord sur la santé, le Québec serait bien avisé de préparer, lui aussi, un plan de match pour pouvoir fournir des services de santé adaptés aux besoins imminents de sa population vieillissante.
COMMENTAIRE DE PHILOMAGE
Je donne entièrement raison à Mme Bernier, mais j'aurais aimé que cette proposition de définir un « plan de match pour pouvoir fournir des services adaptés aux besoins imminents de la population vieillissante du Québec » soit inscrite à l'intérieur d'une enveloppe budgétaire globale comprenant tous les programmes sociaux. Pourquoi? Parce qu'il faut faire des choix et pas les moindres sur le plan du budget de l'État québécois. Par exemple, peut-on continuer éternellement à facturer à 7 $ par jour les frais de garderie par enfant, alors que l'État en assume la plus grande partie? Le nouveau programme pour aider les couples stériles à avoir un enfant par insémination artificielle, jusqu'où doit-on financer? Etc., etc. ... !
Tout le monde doit finalement payer pour les programmes mis sur pied et administrés par l'État, via le fonds consolidé de la Province. Et, le déficit continue de croître, parce que la richesse collective n'est pas suffisante pour couvrir tous les besoins de la population, y compris évidemment ceux des aînés qui vont croissants. Alors, que faire?
Actuellement, nous assistons à la marginalisation de la famille traditionnelle; nous vivons le retour du pendule des Québécois et Québécoises des générations précédentes qui n'ont pas fait suffisamment d'enfants; le temps de la retraite est arrivé pour les premiers baby-boomers et on voudrait les garder actifs sur le marché du travail; le fardeau des déficits budgétaires est reporté sur les prochaines générations de travailleurs; le vieillissement en accéléré de la population québécoise crée de nouveaux besoins incontournables où l'État devra s'investir d'une manière ou d'une autre.
Il apparaît clairement que les citoyens, quel que soit leur statut social, devront s'assumer beaucoup plus et comprendre que l'État québécois ne peut tout prendre en charge. Alors, il faut se poser la question suivante : qui et quoi prioriser? C'est fondamental et inéluctable. Il est certain que les aînés doivent avoir leur juste part du gâteau, celle qui leur revient de droit, sinon c'est le désastre socialement parlant.
On pourrait remettre en question les frais de garderie à 7 $, si le bien-être des aînés est en jeu. Mais, quel gouvernement aura les culottes de le faire? Selon moi, la vraie réponse est celle-ci : il n'y aurait pas de faim ou famine dans le monde, si la justice distributive était respectée. Pour nos aînés et les aidants, il faut souhaiter que le partage des ressources budgétaires et financières tiennent compte des besoins de tous, en partageant équitablement. Sinon, il faudra travailler plus fort pour hausser le niveau de la richesse collective pour pouvoir se payer des services ou programmes additionnels. Autrement, il y aura des grincements de dents de la part des citoyens démunis, surtout chez les personnes âgées. Et, là, Mme Bernier a marqué un point en suggérant de penser, dès maintenant, avoir en main un plan de match qui tienne compte des besoins croissants des aînés.
RD
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