mercredi, décembre 28, 2011

 

Pénurie de bénévoles au Québec


(David Descôteaux, Chroniqueur, Argent, 23 déc. 2011), Titre de l'article : « Effacez vos péchés » 

On parle beaucoup de pénurie de main-d’œuvre au Québec. Mais il existe une autre pénurie : celle des bénévoles. Le bénévolat représenterait 3,7 milliards de dollars en salaires versés dans la province. L’équivalent de 200 000 emplois à temps plein, selon Statistique Canada.

Mais nos bénévoles vieillissent. Et la crise économique empire les choses : certains doivent se trouver un deuxième emploi. Des jeunes retraités doivent parfois retourner au travail. Selon un recensement, les centres d’action bénévole du Québec ont perdu 20 % de leurs bénévoles depuis 2001. Inquiétant, quand on sait que l’économie pourrait jeter beaucoup de travailleurs à la rue dans les années qui viennent. Et que notre État, fortement endetté, risque de passer de père Noël à Grincheux d’ici peu.

Âge moyen : 70 ans

La société St-Vincent de Paul, pour laquelle je fais une « grosse » heure de bénévolat chaque deux semaines (c’est presque gênant de le dire), en sait quelque chose. Dans cette boîte, qui fournit de la nourriture et des vêtements à prix dérisoire aux démunis (gratuitement pour les plus mal pris), l’âge moyen des bénévoles dépasse 70 ans.

Attirer les jeunes, qui grandissent dans une société où on valorise de plus en plus l’individualisme, représente tout un défi. Mon « boss », Jean-Paul, ne pourra plus continuer longtemps à charrier des sacs de vêtements et des boîtes dans les escaliers. Son dos le fait souffrir depuis quelque temps.
Mince consolation pour Jean-Paul : des imbéciles allègent sa charge de travail. On les a aperçus avec la caméra de sécurité. Ils arrêtent en voiture au milieu de la nuit, et remplissent le coffre et les sièges arrière de sacs de vêtements et de jouets. Sacs que des âmes charitables ont déposés près de la porte pendant la soirée. Ils ne prennent même pas le temps de vérifier ce qu’il y a dedans! Pas fort…


Fight Club


Fight Club fait partie de mes films cultes. Dans une scène, le personnage joué par Brad Pitt réconforte son nouvel ami (joué par Edward Norton). L’appartement de ce dernier — abritant toutes ses possessions — vient d’exploser. Le beau Brad lui dit (je paraphrase) : « Ton ensemble de canapés et tes meubles IKEA peuvent aller se faire foutre! Évoluons un peu. Les choses que tu possèdes finissent par te posséder. »

Votre existence matérialiste vous donne mal au cœur? Votre p’tit dernier a reçu 17 camions, 12 DVD et 8 pyjamas en cadeau l’an dernier? Si le temps vous manque pour faire du bénévolat, vous pouvez toujours donner vos bébelles à des organismes de charité. Libérez-vous! Et effacez vos péchés…

 COMMENTAIRE DE PHILOMAGE

On pourrait se demander si le rôle des bénévoles n'est pas en train de changer dans notre société. Au Québec, la pauvreté, la pénurie et l'indigence sont maintenant des responsabilités assumées prioritairement par l'État. En effet, en s'appuyant sur le mécanisme de redistribution des revenus de taxation, l'État québécois s'occupe des Québécois dans l'indigence; il perçoit des autres Québécois, soi-disant bien nantis, des contributions substantielles pour venir en aide aux personnes en difficulté. Alors, cet argent, il va où? À toutes les personnes sur le bien-être, à tous les organismes pourvoyeurs de services aux personnes en détresse, des plus jeunes aux plus âgées, etc. La liste pourrait être longue et fastidieuse à établir.

Pourrait-on faire mieux? Sans doute! Je pense à tous les temples religieux ou lieux de culte qui sont inoccupés ou à peine utilisés, qui pourraient accueillir nombre de personnes en détresse dans la rue, les itinérants, par exemple. Chaque municipalité devrait prévoir un budget et des ressources matérielles pour aider les personnes en difficulté ; elles le font notamment avec les logements subventionnés. Elles pourraient faire plus? Certainement.

Pourquoi parler de bénévolat, alors que tous les secteurs de l'économie ont des activités rémunérées? Cette notion de bénévolat est une notion à caractère religieux qui remonte au temps où le bourgeois québécois faisait la charité, une fois par année, durant le temps des Fêtes, en passant la gignolée. Par la suite, c'était débrouillez-vous pour le reste de l'année, pour les familles et personnes dans l'indigence et la grande pauvreté. Au début des années 60, l'État québécois est intervenu, avec l'instauration du bien-être social pour combler ce vide d'assistance aux plus démunis. Mais, semble-t-il, cela n'est pas suffisant, même aujourd'hui, fin 2011?

Plus loin dans le temps, les plus anciens s'en souviennent, il y a eu le guêteux professionnel qui sillonnait les campagnes, faisant sa ronde une fois par année. Maintenant, c'est du folklore, ça n'existe plus!

Il me semble que cette question du bénévolat est à débattre, un peu comme on l'a fait pour les accommodements raisonnables. La dimension religieuse n'étant plus prééminente, le bénévolat devient une activité socio-économique, une tâche qui pourrait être rémunérée à sa juste valeur, particulièrement dans le cas des personnes âgées. La formation devient alors nécessaire ou indispensable et exige une diplômation adéquate.

Redéfinir le contexte de la pauvreté au Québec, repenser les moyens financiers et matériels pour soutenir les familles et personnes en difficulté et surtout, amalgamer les multiples organismes qui oeuvrent dans ce secteur d'activité, développer une notion de partage bien ancrée dans notre mentalité sociétale, tous les jours de l'année font partie des questions à investiguer et à approfondir. Il y a lieu certainement de mettre l'accent sur des recherches sociologiques dans ce sens.

Compte tenu de la complexité de cette problématique de la pauvreté, de la misère, de la drogue, de la prostitution, de la délinquance, de l'itinérance, ... je demeure perplexe, d'une part, sur le rôle joué par le bénévolat. D'autre part, il y a cette multitude d'organismes s'occupant, à divers titres, de répondre à ces besoins sociaux et qui sollicitent la société québécoise de multiples façons, le bénévolat n'étant qu'une facette de ces assistances multi-tâches. Je voudrais pouvoir démêler le casse-tête, avant de parler de solutions appropriées via le bénévolat.

RD

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