dimanche, février 05, 2012
Les boomers responsables d'un hold-up intergénérationnel?
POINT DE VUE de Jean-Claude Grondin, président du Féseau FADOQ, Journal de Québec, 5 février 2012
À trop vouloir accuser, on oublie les vrais enjeux!
Le discours populaire est très rapide à vouloir identifier des coupables pour expliquer les maux que connaît notre société québécoise. Avec la récente crise économique et les impacts que celle-ci a eu sur les finances publiques et dans le rendement des caisses de retraite, ce sont les baby-boomers qui ont été mis au banc des accusés.
Cependant, cette pensée simpliste n'est pas aussi magique qu'elle peut le laisser paraître.
RÉGIMES COMPLÉMENTAIRES
Prenons par exemple les régimes complémentaires de retraite. Il est très facile d'expliquer les déficits actuels par les départs massifs à la retraite et de catégoriser les retraités comme des « enfants gâtés » qui dérobent tout sur le passage en n'ayant aucune pensée pour leurs prochains. Or, c'est oublier que s'il existe de tels déficits aujourd'hui dans les caisses de retraite, c'est plutôt parce que pendant des années, les caisses de retraite étaient très rentables et que plusieurs employeurs se sont payé des congés de cotisation et ont utilisé ces fonds à d'autres fins qu'à accumuler de la richesse pour les futurs retraités.
C'est aussi oublier que lorsque ces personnes, aujourd'hui retraitées, ont été embauchées, le régime de retraite faisait partie de leurs conditions de travail. Ces régimes constituent des contrats entre l'employeur et l'employé selon lesquels ce dernier accepte de différer une partie de son salaire présent pour une rente future. Aurait-il été préférable que les baby-boomers n'aient pas mis cet argent de côté et que, rendus à 65 ans, ils vivent aux crochets de la société? Au contraire, les aînés qui ont des revenus adéquats parce qu'ils ont été prévoyants continuent de contribuer financièrement à la société.
OPPOSITION RÉDUCTRICE
Il est également très réducteur d'opposer des dossiers aussi importants que la santé et l'éducation. D'abord, il est faux d'affirmer que l'augmentation des dépenses en santé est attribuable au vieillissement de la population. En fait, le vieillissement de la population compte pour 1,1 % des dépenses en santé alors que l'achat de nouvelles technologies représente le plus important poste budgétaire. Les baby-boomers ont également à coeur le système d'éducation accessible et abordable, car n'oublions pas que c'est cette même génération qui l'a mis en place dans les années 60.
Pour le Réseau FADOQ, qui s'est associé à la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) et la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) pour rédiger un manifeste sur la solidarité intergénérationnelle, c'est plutôt en unissant nos voix solidairement que nous pourront ériger une société plus juste pour aujourd'hui et pour demain.
POINT DE VUE DE JOHANNE MARCOTTE
Aux dernières nouvelles, le gouvernement du Québec emprunte chaque année pour payer les retraites de ses employés alors que les régimes de retraite des employés du gouvernement fédéral seraient dans le trou d’environ 227 milliards $. Quant aux régimes de retraite des employés municipaux, les Québécois vont devoir, cette année seulement, renflouer leurs coffres à coups de 800 millions $!
Les travailleurs québécois surtaxés et surimposés – dont 60% n’ont pas de régimes de retraite – paient donc pour les régimes de retraite des employés du gouvernement du Canada, du gouvernement du Québec et des municipalités: tous déficitaires! Juste en intérêts sur la dette liée aux régimes de retraite des employés du gouvernement du Québec, on parle de 2,6 milliards en 2011 seulement!
LES BABY-BOOMERS ONT TROP PEU COTISÉ
D’ici 10 ans, alors que la très grande majorité des baby-boomers employés syndiqués de l’État auront pris leur retraite, les générations qui les suivent devront ramasser les pots cassés.
Prétendre que les baby-boomers du secteur public auront travaillé et cotisé suffisamment “toute leur vie” pour se mériter leurs généreux régimes de retraite est non seulement surréaliste mais mensonger. De toute évidence, cette cohorte d’employés n’aura jamais contribué à la hauteur des prestations qui lui sont promises.
Prétendre qu’ils auront contribué suffisamment à la Régie des rentes du Québec ou à la “Pension de vieillesse” est également faux. Dans le premier cas, on a longuement retardé l’augmentation du taux de cotisation et dans le deuxième, la “Pension de vieillesse” n’est pas un programme auquel on cotise mais un programme social universel du gouvernement fédéral.
Sont-ils responsables pour autant d’un “hold-up intergénérationnel”? Certainement en partie. Mais soyons francs. S’il y a hold-up du portefeuille du travailleur québécois, il est celui de nous tous qui avons développé une dépendance envers un Gouvernemaman duquel il est maintenant difficile de s’affranchir.
PROMESSES INSOUTENABLES
Si les infrastructures s’effondrent aujourd’hui et si le Québec arrive au 5e rang des nations les plus endettées, c’est que nous avons laissé nos élites politiciennes nous berner et nous bercer de promesses que nous savons maintenant être insoutenables à long terme.
Qu’il s’agisse du gel des droits de scolarité, du programme de garderies à 5$, de l’assurance médicaments, ou des milliards de dollars en subventions aux entreprises pour soit-disant “sauver des emplois”, tout cela n’est pas que l’affaire d’une génération mais l’affaire de nous tous.
L’État bienveillant nous a bernés et nos élites politiciennes en ont profité pour acheter notre vote. Vous laisserez-vous berner encore longtemps?
COMMENTAIRE DE PHILOMAGE
La première idée qui ressort de ces deux points de vue, c'est que nous vivons, individuellement et collectivement, au-dessus de nos moyens. Nous ne sommes pas les seuls dans le monde; en Europe, il y a plusieurs pays qui sont dans une situation semblable : la Grèce, l'Espagne, le Portugal, l'Italie, et bien d'autres...
Mettre un frein à l'expansion des programmes en place ou en créer de nouveau (fécondation artificielle, par exemple) n'est pas facile pour n'importe quel gouvernement. Le gouvernement Libéral doit se faire réélire tout en comprimant au maximum les incompressibles dépenses en santé et en éducation, en garderies, en médicaments, en services sociaux, etc. Les Partis de l'Opposition doivent ajuster leur tir pour se faire élire en voulant faire mieux en ne bousculant personne. Sinon, c'est la défaite assurée. Et la spirale continue.
Dans un monde idéalisé, on voudrait réunir les conditions suivantes :
- Des électeurs et électrices matures et sérieux qui sont prêts à mettre l'épaule à la roue; accepter une réduction des services de l'État par un usage modérée et plus rationnel et/ou en payer une partie en s'appuyant sur le Privé, si nécessaire;
- Arrêter de mettre de l'avant des politiques farfelues comme l'Indépendance qui crée un climat politique et social instable et fait fuir les investissements à moyen et long terme;
- Créer un monde de jeunes qui se préparent à être une élite non seulement dans le sport mais aussi sur le marché du travail en misant sur la qualité de l'éducation et de la formation continue (recyclage, mise à jour des savoirs, etc.) et sur une forte diplomation dans tous les secteurs de l'économie, particulièrement dans ceux à forte valeur ajoutée ou intensifs en technologie;
- Ajuster les conditions d'emploi et de ressourcement des personnes encore aptes au travail, dès la cinquantaine pour que le marché du travail puisse profiter de leur capacité à réaliser des tâches complexes, se servir de leur mémoire corporative ou de leurs expériences accumulées au fil des ans;
- Miser sur les grands projets (Grand Nord, barrages hydroélectriques, mines, exploitation forestière, créneaux industriels et de services à forte valeur ajoutée, etc.) axés sur le développement des ressources naturelles;
- Tarifer les services de l'État de façon à ne pas introduire de l'iniquité dans la société québécoise;
- Garder en place les régimes de retraite public et privé et ajuster leur contenu intergénérationnel;
- Etc.
L'importance du secteur de la dette québécoise est liée largement à notre capacité à créer de la richesse collective. Avec la moitié de son territoire inexploité, le Québec a toutes les chances du monde de s'éclater au plan du développement et de la croissance économique dans un proche avenir et d'en faire profiter sa population toute entière.
Il est complètement farfelu de prévoir ce que sera la société québécoise dans les années 2030 et plus. Qui aurait dit qu'Internet deviendrait l'instrument qu'il est aujourd'hui, il y a vingt ans? Maintenant, c'est le monde entier qui bouge et s'entrechoque, à la lumière de la globalisation ou de la mondialisation. C'est là le danger d'écouter les prophètes de malheur qui projettent des problèmes structurels actuels dans le futur. Laissons bien vivre nos vieux et prenons-nous en main dès aujourd'hui et notre proche futur sera resplendissant à l'intérieur de notre magnifique pays, le Canada. C'est ce que nous dicte notre passé lointain et récent.
RD
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