jeudi, mars 22, 2012
Couvre-feu et contrôle des visites dans les résidences privées pour personnes âgées
Article de Johanne Roy, Journal de Québec, 19 mars 2012
Quel locataire accepterait que son propriétaire lui interdise de recevoir des visiteurs à l'heure des repas ou lui impose un couvre-feu? C'est pourtant ce qui a cours dans certaines résidences privées pour personnes âgées.
Marie Annik Grégoire, professeure à la faculté de droit de l'Université de Montréal, et Sophie Gratton, candidate au Barreau, ont examiné en détail les baux regroupant plus de 19 000 appartements pour personnes âgées autonomes et semi-autonomes au Québec.
Leur constat est pour le moins troublant. Tous les baux étudiés contenaient au moins une, voire plusieurs dispositions illégales.
Celles-ci concernent notamment de très gros joueurs de cette industrie en pleine croissance, ce qui fait dire à Me Grégoire qu'il ne s'agit pas de cas isolés, mais de pratiques plus répandues.
Certaines clauses sont particulièrement choquantes, selon Me Grégoire, car elles violent impunément les droits à la liberté, à la dignité et à la vie privée des personnes âgées.
Bain obligatoire
Croyez-le ou non, le propriétaire d'une résidence pour personnes âgées autonomes impose qu'un bain par semaine soit donné par ses préposés à chacun des résidents, sans qu'«aucune excuse ne soit acceptée pour détourner (sic) cette directive».
Même le jour et l'heure de ce bain obligatoire sont établis par le locateur. «Ces pratiques infantilisent les gens âgés de manière inadmissible. Il y a aussi beaucoup de clauses d'expulsion immédiate, alors que c'est totalement interdit», souligne Me Grégoire, dont l'étude vient de paraître dans la «Revue du Barreau du Québec».
L'avocate a de plus relevé des frais de toutes sortes facturés aux locataires âgés, en contravention des règles de la Régie du logement. « Certains baux imposent aux résidents des heures de visite et de sortie et interdisent toute visite en dehors de ces heures. C'est absolument incroyable! Ces règles isolent les personnes âgées de leurs proches, ce qui risque par le fait même d'augmenter leur vulnérabilité», dénonce Me Grégoire.
Autorégulation insuffisante
L'autorégulation est insuffisante pour protéger adéquatement les gens âgés. Le gouvernement québécois doit exercer un meilleur contrôle des baux en amont, au moment de la certification des résidences privées pour personnes âgées, affirme Me Grégoire.
Le «laisser-faire» actuel conduit tout droit à des abus, déplore-t-elle.
«Le gouvernement Charest n'a pas l'intention de développer des places dans le réseau public. S'il laisse le soin au privé de le faire, il doit s'assurer de la validité des baux. Ceux-ci doivent être simplifiés et rédigés en termes clairs, tant pour les aînés que leurs proches», stipule Me Grégoire.
Clauses de bail abusives ou illégales- Frais «administratifs» de 350 $ chargés au locataire qui sous-loue son appartement.
- Clause qui limite la responsabilité du propriétaire en cas d'infestation du logement par des insectes.
- Interdiction de recevoir un membre de sa famille ou une autre personne pour la nuit.
- Bail conditionnel à l'examen médical du locataire âgé.
- Le résidant qui souhaite se prévaloir d'un droit de sortie doit prévenir la résidence 24 heures à l'avance, sous peine de sanctions pouvant mener à l'expulsion.
- Dépôt exigé de 30 $ ou 60 $ pour le retour de clés ou de cartes magnétiques.
- Frais de remise en état du logement assumés par le nouveau locataire.
- Augmentation de plus de 100 $ par mois en cas de maladie ou d'utilisation d'un climatiseur.
- Interdiction d'avoir recours à des services extérieurs de ménage ou de soins infirmiers.
- Autorisation d'entrer dans l'appartement du locataire en tout temps, sans préavis.
Source : «Revue du Barreau»
COMMENTAIRE DE PHILOMAGE
On se croirait revenu aux maisons de vieux d'Antan. Et le pire, là-dedans, c'est le prix du logement et des services offerts par ces résidences privées. C'est carrément de l'exploitation et de l'abus sur le dos des aînés. Dans ces cas-là, il est largement préférable de demeurer chez soi le plus longtemps possible et de profiter d'agences qui viennent donner des soins à domicile. Au moins, on fait encore partie de la Société québécoise, on n'est pas des zombies, des morts-vivants qui se font arnaquer leurs revenus de retraite, fruits du labeur de toute une vie.
Enfin, j'ajouterais qu'il y a sûrement un manque de la part de la famille entourant ces personnes âgées, lors du choix du logement et de la résidence. Dans les autres cas, les personnes âgées devraient confier tout ce bric-à-brac à des agences privées qui feraient pour eux, moyennant une rémunération, les démarches nécessaires pour que de tels baux ne soient jamais signés ou mis en vigueur. S'il y a un prix à tout, mieux vaut faire affaire avec des professionnels (avocats, notaires, spécialistes de l'offre de services aux aînés, autres) qui prennent nos intérêts en main.
RD
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