mardi, avril 24, 2012
Euthanasie : Le clergé québécois inquiet des dérives
Article de Rémi Nadeau, Journal de Québec, 21 avril 2012
« Si un malade sait qu’il peut emprunter cette voie-là, dans un moment de dépression ou de découragement, il pourra être tenté de choisir la solution rapide (du suicide assisté), alors qu’il aurait pu faire une démarche personnelle », argue Mgr Bertrand Blanchet.
Permettre aux médecins
d’abréger les souffrances des grands malades « érigerait l’euthanasie en
système », dénonce l’Assemblée des évêques catholiques, qui mène une
charge en règle contre la recommandation de la commission parlementaire
Mourir dans la dignité.
Discrète jusqu’ici, l’Assemblée des
évêques catholiques du Québec condamne sévèrement la volonté des députés
de légaliser « l’aide médicale à mourir ».
Le président du comité bioéthique de
l’assemblée, Mgr Bertrand Blanchet, estime que le recours à l’euthanasie
entraînerait une « banalisation du suicide » malsaine pour la société
québécoise.
Selon lui, les souffrances physiques des
malades peuvent être soulagées « dans la grande majorité des cas », ce
qui laisse une trop large part de la décision de mettre fin à une vie
reposer sur « une appréciation subjective » des souffrances morales de
la personne. « À partir de quel moment peut-on déterminer que les
souffrances morales deviennent intolérables? », questionne Mgr Blanchet,
qui craint les effets pernicieux d’un « système permettant de donner la
mort » sur les « personnes fragiles ».
« Si une personne voit quelqu’un décider
d’en finir parce qu’elle estime que ses souffrances psychiques sont
incontrôlables, elle sera influencée et se demandera pourquoi ce ne
serait pas son tour, si elle se sent comme un poids pour ses proches et
pour la société », explique l’évêque.
Fin de vie dans la douleur
Mgr Blanchet juge qu’il faut parfois
limiter le droit à l’autonomie de l’individu et protéger les personnes
contre elles-mêmes, pour éviter qu’elles ne choisissent une voie rapide
et facile, au détriment d’une occasion « d’approfondir le sens de leur
vie ». « La fin de vie peut être l’occasion
d’une démarche personnelle pour faire la paix (…) l’idée n’est pas de
valoriser la souffrance, mais elle a parfois une valeur humanisante »,
a-t-il ajouté.
Risques de dérive
L’Assemblée des évêques catholiques
craint même une dérive entraînant le recours massif à l’euthanasie, si
le gouvernement du Québec décidait d’appliquer la recommandation de la
commission parlementaire spéciale. « Dans un contexte où l’on demande
constamment l’efficacité, la performance à tout prix dans les hôpitaux,
bien, une façon d’être performant, ce sera peut-être de libérer
rapidement les lits d’hôpitaux des personnes qui n’ont plus de
conscience. Ça devient une pente glissante. »
L’Association de prévention du
suicide se montre aussi « préoccupée » par la recommandation de la
commission parlementaire de permettre l’euthanasie.
À l’instar de l’Assemblée des évêques
catholiques, elle craint que des gens ne décodent qu’il est normal de
penser au suicide lorsqu’on se retrouve aux prises avec des souffrances,
qu’elles soient physiques ou psychologiques.
Vigilance
Selon le directeur général, Bruno
Marchand, la prise en compte des souffrances psychologiques, par la
commission, commande beaucoup de vigilance. « Ça peut être très large. Quelqu’un qui
souffre d’un trouble de personnalité, est-ce qu’on peut considérer que
c’est une maladie incurable et qu’il s’agit de souffrances atroces,
certainement. Alors si on considère qu’on peut lui permettre de se
donner la mort, on ouvrirait un pan de mur, on serait inquiet », a
confié au Journal M. Marchand.
Il soutient que tout dépendra de la
façon avec laquelle le gouvernement communiquera sa décision s’il décide
d’appliquer la proposition de la commission Mourir dans la dignité. « J’espère que les gens n’entendront pas
dans ce message-là que c’est normal de penser à abréger ses souffrances
quand ça va mal, parce que ça irait à l’encontre de toutes les
campagnes de prévention », a prévenu Bruno Marchand.
Un fardeau
Le directeur s’inquiète aussi des
conséquences de la médiatisation de rapports démontrant l’impact du
vieillissement de la population. « On présente souvent les coûts de santé
que ça représente, le fardeau sur les fonds de pension, et quand on dit
ça, on énonce des faits, mais ça amène la perception que les aînés sont
un fardeau, et ça, ça devient nuisible. »
Accueillant les conclusions des élus
avec beaucoup de nuance, il affirme du même souffle que les députés
membres de la commission ont « mis suffisamment de précautions » dans
leurs propositions pour que l’association soit tout de même moins
inquiète.
AIDE MÉDICALE À MOURIR
Le 22 mars 2012, la commission parlementaire spéciale « Mourir dans la dignité », a dévoilé ses recommandations après avoir initié son travail en décembre 2009.
La commission regroupant 12 députés des différentes formations politiques, présidée par la libérale Maryse Gaudreault, a mené une tournée de consultation à travers le Québec et a rencontré 32 experts avant de remettre son rapport.
Elle a présenté 24 recommandations, dont celle de modifier les lois afin de permettre l'euthanasie, rebaptisée « aide médicale à mourir ».
La commission propose un encadrement, ainsi que des critères « essentiels » pour l'euthanasie. Ainsi, seul un médecin pourrait injecter une dose mortelle afin d'abréger les souffrances d'une personne malade. Le patient, majeur et atteint d'une maladie grave et incurable, devra exprimer lui-même ce souhait.
LA COMMISSION SE DÉFEND
Même si elle soutenait que la sortie de l'Assemblée des évêques était prévisible, elle s'expliquait mal pourquoi le président de son comité bioéthique, Bertrand Blanchet, pouvait craindre des dérives et une banalisation du suicide.
«Je trouve que c'est exagéré, et c'est faire fi de toutes les précautions que nous avons prises dans nos recommandations.»
Mgr Blanchet a effectué une sortie dans nos pages dimanche, prévenant que l'Assemblée des évêques tentera de convaincre les élus de ne pas emprunter cette voie.
Les membres de la commission parlementaire spéciale demandent au gouvernement de déposer un projet de loi permettant «l'aide médicale à mourir» au plus tard en juin 2013.
COMMENTAIRE DE PHILOMAGE
Il fallait s'y attendre. l'Assemblée des évêques catholiques est cautionnée par le Vatican et pense qu'elle possède encore le pouvoir d'inverser les décisions prises légalement et/ou légitimement, en toute âme et conscience, par les membres d'une commission mandatée en vue de faire des recommandations sur le mourir dans la dignité.
Il faudrait rappeler à cette Assemblée des évêques catholiques le peu de cas que l'Inquisition a fait de la vie humaine, pendant des siècles et des siècles (pas des décennies), pour s'assurer que certains de ses ouailles avaient ou non la FOI. Quand on relit la « petite » histoire de l'Église catholique, ses faux procès, les tortures endurées par de pauvres citoyens, les brûlés sur la place publique, la chasse aux sorcières, ..., on se demande qu'est-ce que ces religieux viennent faire dans ce débat contemporain ?
Les douleurs de l'enfantement ont été soulagées pour faciliter les naissances. Tout au long de la vie humaine, la médecine intervient pour guérir les maladies et prolonger la vie. Et, la fin de la vie, alors? Désormais, il est temps de faciliter ce passage de la fin de la vie, pour ceux dont la souffrance est extrême, sans espoir de retour à la vie normale. Il s'agit d'un geste humanitaire que la personne agonisante a le droit de demander puisqu'elle est en fin de vie, Pour tout homme et femme qui font face à cette échéance, il est absolument fondamental d'atténuer la douleur et les souffrances et d'espérer mourir en toute sérénité, dans le calme et la paix de l'esprit. Voilà pourquoi il faut appliquer « l'aide médicale pour mourir », lorsqu'il n'y a pas moyen de faire autrement.
Complètement inacceptable et dépassée cette vision de Mgr Blanchet : « La fin de vie peut être l’occasion
d’une démarche personnelle pour faire la paix (…) l’idée n’est pas de
valoriser la souffrance, mais elle a parfois une valeur humanisante ».
RD