mardi, décembre 18, 2012
Jean Charest a quitté la vie politique le 6 septembre 2012
Jean Charest quitte la vie politique
« Pendant plus de neuf ans, j’aurai brulé d'un feu constant »
Au gouvernement minoritaire péquiste, il a souhaité du « succès », assortissant ce souhait au vœu que les différents partis présents au salon bleu sachent « emprunter le chemin de la coopération ».
Québec — Après neuf ans au pouvoir et 14 ans à la tête du Parti libéral du Québec, Jean Charest quittera la vie politique la semaine prochaine, dès que Pauline Marois aura formé son gouvernement.
Avec émotion et solennité, l’homme de 54 ans en a fait l’annonce mercredi dans le hall du Parlement, où se trouvaient, émus, la plupart des membres du conseil des ministres et leur personnel. Battu dans son propre comté mardi soir pour la première fois depuis novembre 1998, chassé du gouvernement par l’élection d’un gouvernement minoritaire péquiste, il a raconté avoir pris cette décision avec sa famille. Et ce fut « unanime », a-t-il spécifié. Père de trois enfants, M. Charest deviendra grand-père dans quelques mois et il a dit vouloir « tourner une page », « après 28 ans de service public ». Pendant la campagne, il avait révélé que ses proches, à Noël, lui avaient demandé de quitter la politique. C’est d’ailleurs au moment où il a remercié ces derniers qu’il a eu un rare moment d’émotion. « Ils m’ont accompagné dans tout ce que j’ai fait avec beaucoup d’amour et de patience », a-t-il souligné.
M. Charest, qui était devenu premier ministre du Québec le 14 avril 2003, a répété à plusieurs reprises qu’il a raffolé occuper cette fonction ; soutenant avoir apprécié « chaque jour » de ses mandats, incluant « les plus difficiles ». « Pendant plus de neuf ans, j’aurai brûlé d’un feu constant », a-t-il insisté, ponctuant son allocution en remerciant la population de lui avoir accordé le « privilège » d’avoir été son premier ministre.
Douce revanche
Les résultats obtenus mardi par le PLQ « n’étaient pas à la hauteur de ce que [son entourage et lui auraient] souhaité », a-t-il concédé. Il s’est cependant félicité de sa « forte campagne ». Bien que relégué au rang d’opposition officielle, le PLQ a terminé « à moins de 1 % » de ses principaux adversaires pour ce qui est du pourcentage de vote, remportant 50 des 125 sièges du Parlement. Sur le ton de la douce revanche, il a lancé : « Nous avons fait mentir les analystes et… devinez qui ? Les sondeurs. Ah, les sondeurs ! »
Au gouvernement minoritaire péquiste, il a souhaité du « succès », assortissant ce souhait au voeu que les différents partis présents au salon bleu sachent « emprunter le chemin de la coopération ».
Éléments de bilan
« Je n’ai pas tout réussi », a admis le politicien, qui s’est par exemple limité à dire qu’en santé - thème clé de sa victoire de 2003 - d'« importants progrès » avaient été faits. Il s’est montré plus « fier » et disert au sujet de l’économie, affirmant que le Québec avait obtenu « l’une des meilleures performances au monde pendant la crise économique et financière ». Il a insisté au reste sur l’ouverture d’un « nouvel espace économique », coeur de son aggiornamento de l’été 2007, lequel comprenait l’entente de reconnaissance mutuelle entre le Québec et la France ; le projet d’accord de libre-échange canado-européen, ainsi que le Plan Nord. À propos de ce dernier, il a eu cette injonction : « Le gouvernement qui nous succédera doit absolument poursuivre le déploiement du Plan Nord pour le bénéfice des générations futures et de tous les Québécois. »
Quant aux finances publiques, M. Charest a soutenu les laisser en ordre, puisque le Québec, selon lui, « atteindra l’équilibre financier dans quelques mois ». La dette, qui a crû considérablement sous ses gouvernements, sera « contrôlée » et « remboursée » avec le Fonds des générations, a-t-il affirmé ; clin d’oeil au PQ, qui a promis d’abolir cet outil créé en 2006.
Au chapitre des politiques sociales, Jean Charest s’est aussi dit fier de son bilan, notamment de l’aide apportée aux familles québécoises, qui a contribué, selon lui, à permettre à plus de femmes de faire « le choix de travailler ».
Chapeau à la fonction publique
Jean Charest soutenait en 1998 que le Québec en « avait assez fait pour la gloire de l’État ». En 2002, il dénonçait l’État québécois « tentaculaire et obèse » qui se perdait « dans une montagne de paperasse, de programmes, qui est incapable d’offrir des services de qualité ». Hier, en quittant son poste, contraste ! Il a tenu à rendre hommage de manière sentie à la fonction publique québécoise qui, « à tous les niveaux, est une des meilleures fonctions publiques au monde. Et cela fait une différence dans la vie d’une société ». Alors que la Coalition avenir Québec tient un discours rappelant celui du chef libéral de 2002, M. Charest a tenu à dire que le Québec est privilégié d’avoir une fonction publique développée et que « cela fait une grande différence dans la vie de notre société ».
Gratitude des ministres
Avant la dernière réunion du conseil des ministres mercredi, plusieurs libéraux ont rendu hommage à leur chef. Réélu dans Jean-Talon, le ministre de la Santé Yves Bolduc a soutenu que dans 20 ans, l’héritage de M. Charest sera considéré aussi important que ceux de Jean Lesage et de Robert Bourassa.
La marraine politique de M. Charest, Monique Gagnon-Tremblay, a insisté sur la maestria de M. Charest à l’international, une scène où M. Charest pourrait s’illustrer, a-t-elle noté. « Mais il pourrait à peu près n’importe quoi », a-t-elle ajouté. La présidente du Conseil du trésor, Michelle Courchesne, croit que M. Charest n’a pas nécessairement mis une croix sur la politique : « En politique, on ne peut jamais dire jamais. […] Il a encore de très grands projets à réaliser. » La politicienne a déploré que M. Charest ait eu à traverser « des moments extrêmement difficiles » en raison d’attaques « injustifiées », « trop sévères ». « Il a contribué à bâtir ce que nous sommes aujourd’hui », a-t-elle affirmé.
Au bord des larmes, le ministre des Ressources naturelles Clément Gignac, battu dans Taschereau mardi, a eu ces mots : « Quand tu es un papa ou un grand-papa, le bébé, tu ne le donnes pas à n’importe qui. Et moi, qu’il m’ait confié son petit bébé, le Plan Nord - qui a grandi plus vite qu’on ne l’avait prévu, c’est vrai - pour moi, ce fut tout un honneur. »
***
Quelques repères des trois mandats de Jean Charest
Premier mandat (2003-2007)
2003 : Annonce de la création du Conseil de la fédération
2004 : Démission de Marc Bellemare ; Référendum sur les défusions municipales ; Le projet de centrale thermique du Suroît est annulé.
2005 : Grève étudiante ; Démission d’Yves Séguin.
2006 : Projet de privatisation du Mont-Orford ; Création du fonds des générations ; Règlement de l’équité salariale des employés de l’État.
Second mandat minoritaire (2007)
2007 : Formation d’un cabinet paritaire hommes-femmes
2007-2008 : Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles
(Bouchard-Taylor)
2008 : Démission de Philippe Couillard
Troisième mandat (2008-2012)
2009 : Démission de Monique Jérôme-Forget
2010-2011 : Commission Bastarache
2010 : Tony Tomassi est expulsé du caucus ; La vente d’Énergie NB à Hydro-Québec est annulée ; Légalisation des écoles passerelles (adoption du projet de loi 115 sous bâillon) ; Démission de Jacques Dupuis ; Démission et décès de Claude Béchard ; Une pétition anti-Charest recueille près de 250 000 signatures ; Adoption d’un code d’éthique, Jean Charest renonce à son salaire de 75 000 $, versé secrètement par le PLQ depuis 1998.
2011 : Controverse du gaz de schiste ; Le Plan Nord est dévoilé ; Démission de Nathalie Normandeau ; Démission de David Whissell ; Création de la commission Charbonneau.
2012 : Grève étudiante, démission de Line Beauchamp.
Longévité en poste (1867-2012) : Jean Charest est 5e
1- Maurice Duplessis (Union nationale) : 18 ans, 3 mois (1936-1939/1944-1959)
2- Louis-Alexandre Taschereau (Parti libéral) : 15 ans, 11 mois (1920-1936)
3- Lomer Gouin (Parti libéral) : 15 ans, 3 mois (1905-1920)
4- Robert Bourassa (Parti libéral) : 14 ans, 8 mois (1970-1976/1985-1994)
5- Jean Charest (Parti libéral) : 9 ans, 4 mois (2003-2012)
COMMENTAIRE DE PHILOMAGE
Pour tous ceux et celles qui croyaient en Jean Charest, le jour de sa démission a été perçu comme une grande perte pour le Québec.
Quand on voit les bavures et l'absence de probité et de transparence du nouveau gouvernement Marois, on se demande où se trouvait le flair légendaire des Québécois lorsqu'ils ont cautionné par leurs votes l'élection de ce gouvernement. Élire un pareil non-sens, c'est reculer en arrière au temps de la petite politique des dernières années de l'Union Nationale, de la fin décennie 60.
Non seulement, ce nouveau gouvernement minoritaire copie ou poursuit les politiques de l'ancien gouvernement libéral, mais il les copie « tout croche », accumulant bêtises après bêtises. Tout récemment, lors d'une visite de reconnaissance à New York, le plan Nord, tant décrié par Mme Marois est redevenu le fer de lance pour le développement économique du Québec. Les reculs sur les prises de position du PQ ne se comptent plus. C'est le temps qui a manqué!
Alors, pourquoi avoir changé de gouvernement ? Toute la question est là.
M. Charest, suite à sa réélection, en s'appuyant sur son expérience et sa volonté de réussite, aurait pu recomposer son Cabinet et relancer à peu de frais toute la machine gouvernementale lui donnant une nouvelle impulsion vers un avenir meilleur pour le Québec.
Toutefois, je demeure convaincu qu'il continue de suivre de très près nos préoccupations à nous tous auprès des principales instances du Parti libéral. Il sera encore de la partie lors du choix des nouveaux dirigeants et servira en tant que personne ressource au plan de l'ajustement des politiques préconisées par le Parti libéral. Après tout, il a laissé un Parti bien en place et en bonne santé financière. C'est tout un exploit après les multiples campagnes de salissage qu'il a subi au cours des dernières années.
Il a fait ses adieux à la politique, mais je suis sûr qu'il aura encore son mot à dire, dans un futur rapproché.
RD