mardi, juin 11, 2013
Rapport D'Amours : une audace contenue
Article de Jean-Robert Sansfaçon, 18 avril 2013
« RETRAITES - UNE AUDACE... CONTENUE »
Pas question d’une réforme en profondeur du système des retraites au Québec, comme certains en rêvaient. Le comité d’experts sur l’avenir du système de retraite québécois, présidé par l’ancien dirigeant du Mouvement Desjardins, M. Alban D’Amours, opte plutôt pour le maintien de la variété actuelle des formules de retraite, une plus grande rigueur dans la gestion des caisses collectives et une nouvelle rente pour les plus de 75 ans. Un statu quo bonifié, dirions-nous.
Depuis 2008, les régimes de retraite à prestations déterminées (RPD), auxquels participent à peine 513 000 salariés du secteur privé (13 % des 3,9 millions de travailleurs) et 866 000 du secteur public, ont fondu comme neige au soleil. Faute de mécanismes de révision des « promesses » qui auraient permis de réduire les coûts, les déficits dépassent aujourd’hui 40 milliards de dollars. Ce qui a conduit plusieurs employeurs privés à exercer leur rapport de force pour remplacer ces régimes avantageux par d’autres auxquels les employés cotisent sans connaître le montant de la rente à venir.
Dans le cas des universités et des municipalités, les déficits sont devenus si menaçants que les élus en appellent à une intervention de l’État. En attendant, ce sont les contribuables qui paient des centaines de millions chaque année pour renflouer la caisse.
Même si les RPD ne couvrent qu’une minorité de travailleurs, c’est à leurs problèmes que s’attaque surtout le rapport, en proposant que Québec modifie les lois pour inciter les parties à renégocier les termes de leurs régimes et à en partager les risques.
Pour s’assurer que les syndicats accepteront de se prêter au jeu, le rapport propose que la loi accorde cinq ans aux employeurs dont la caisse fait face à un déficit chronique pour revoir le régime. Dans l’éventualité d’un désaccord persistant, la loi autoriserait l’employeur à annuler unilatéralement l’indexation des rentes, pourvu qu’ils ajoutent eux-mêmes l’équivalent des économies réalisées.
Cela ne plaira pas à ceux qui refusent toute intervention gouvernementale dans la négociation. Mais, compte tenu du contexte de crise des RPD, de tels changements sont indispensables.
Par ailleurs, compte tenu du fait que 65 % des travailleurs n’ont pas accès à ce type de régime, plusieurs se seraient attendus à ce que le comité commente la proposition de bonifier les prestations de la Régie de rentes, afin que celles-ci en viennent à remplacer jusqu’à 50 % d’un salaire admissible rehaussé à 60 000 $ (donc une rente de 30 000 $), au lieu de 25 % d’un salaire de 50 000 $ (pour une rente de 12 500 $) comme c’est le cas à l’heure actuelle.
Or non seulement le comité refuse-t-il de prendre cette direction, notamment à cause du détournement de vocation auquel le régime des rentes a été soumis depuis sa création (l’ajout de rentes d’invalidité, d’orphelins, de décès, etc.), mais il se prononce clairement en faveur du maintien de la diversité actuelle dans l’offre des formules.
Ce qui l’amène à soutenir le nouveau régime volontaire (RVER) adopté par le précédent gouvernement, et ce, malgré les critiques qui lui reprochent d’être un cadeau pour les banques et pour les employeurs qui ne seront pas obligés d’y contribuer.
En revanche, le comité propose une innovation audacieuse dans les circonstances : la rente longévité.
Publique et gérée par la RRQ et la Caisse de dépôt, cette nouvelle caisse capitalisée à 100 % assurerait les retraités âgés de 75 ans ou plus d’un montant supplémentaire indexé, proportionnel à leur participation, pouvant atteindre 14 500 $ (en dollars d’aujourd’hui). Comme pour le régime des rentes du Québec, employés et employeurs seraient tenus d’y contribuer à raison de 1,6 % du salaire chacun.
Grâce à la rente longévité, les retraités de demain souffriraient moins du risque de connaître une chute de leurs revenus en fin de vie et pourraient entre-temps consacrer leurs efforts d’épargne à préparer la dizaine d’années qui séparent le début de la retraite du moment d’atteindre 75 ans. Quant au choix de l’âge de 75 ans, il n’est pas innocent puisqu’il permet d’éviter le piège de l’incitation à prendre sa retraite tôt, comme c’est le cas présentement.
Le rapport D’Amours ne révolutionne rien, il enterre même l’espoir de voir naître un régime public universel au Québec. Malgré cela, il suggère l’apport de modifications urgentes aux régimes complémentaires et un prolongement fort bienvenu du régime public pour tous les travailleurs de demain.
RD