jeudi, décembre 25, 2014

 

Améliorer les services de soins palliatifs ?

Article de Josée Legault, Journal de Québec, 22 décembre 2014




Titre de l'article : « LE DERNIER NOËL »

C’était un 24 décembre. Le soleil, caressant chaque fenêtre du solarium, se couchait lentement. 

Loin de la frénésie superficielle des magasins, une poignée de femmes et d’hommes s’apprêtaient à vivre leur dernier Noël.

Le solarium était celui de l’unité de soins palliatifs d’un grand hôpital montréalais. Juché à flanc de montagne, il flottait entre ciel et terre.

J’étais de garde comme bénévole. La ville était enneigée et froide. Les cœurs blottis dans ce grand salon rempli d’amour étaient aussi chauds qu’un immense feu de foyer.

Vivre son dernier Noël et le savoir commande toutes les émotions. Des plus belles au plus souffrantes. Au crépuscule d’une vie, il ne reste que l’essentiel: l’amour et le temps.

Des anges de passage

Je me souviens de cette mère entourée de ses enfants arrivés en trombe les bras chargés de cadeaux et les yeux remplis de larmes. «Je n’en veux pas», qu’elle leur murmura doucement, « mon seul cadeau, c’est vous. »

Je me souviens d’une femme souvent seule. Veuve, ses enfants vivaient à l’étranger. Peu friands de cet étage, ses amis venaient rarement la voir. Ce 24 décembre, elle avait besoin de parler et de rire. Ce que nous avons fait, longuement, ensemble.

Avant de se retirer pour la nuit, elle me prit par la main. Je n’oublierai jamais son regard ni ses paroles: « Vous, les bénévoles, vous êtes mes anges de passage. Vos ailes me portent quand celles des autres sont occupées ailleurs. »

Depuis, à chaque Noël, mes pensées vont à ceux et celles qui, seuls ou entourés, vivent leur dernier voyage.

Une rare alliance

En 1995, à la même unité de soins palliatifs, j’avais accompagné ma mère jusqu’à son dernier souffle. Dans le solarium, notre dernier rituel à nous fut la fête des Mères.

Après sa mort, le bénévolat m’y appelait. J’étais touchée par cette rare allian­ce de soins attentifs, de compassion et de respect – autant pour les mourants que pour leur famille.

Sans ce lieu où les heures passent trop vite, mais où la dernière minute devient éternelle, nous n’aurions jamais pu accompagner ma mère comme elle l’a été. Sans ces médecins, infirmières, psychologues, bénévoles et autres thérapeutes, la peur et l’épuisement n’auraient pas été autant apaisés.

J’étais donc bouleversée d’apprendre à quel point les besoins en soins palliatifs étaient criants. Ils le sont encore. À l’hôpital, à domicile, aux CHSLD ou dans des «maisons» spécialisées, seule une minorité y a accès.

Pour la naissance, on ne lésine pas sur les ressources. Pour la mort, c’est une autre histoire. Malgré le vieillissement de la population. Malgré la solitude et les conditions aberrantes dans lesquelles meurent de plus en plus de gens.

Malgré même la loi sur les soins de fin de vie adoptée cette année après un long processus courageux et transpartisan. On a beaucoup parlé de l’aide médicale à mourir qu’elle permet, mais moins des soins palliatifs qu’elle reconnaît comme un droit. Or, pour qu’il s’incarne dans la réalité, ce droit nécessitera des ressour­ces importantes. En pleine austérité, les aurons-nous?

COMMENTAIRE DE PHILOMAGE

Que voilà un témoignage journalistique important et impressionnant qui souligne notamment ceci : « ... Malgré le vieillissement de la population. Malgré la solitude et les conditions aberrantes dans lesquelles meurent de plus en plus de gens. »

En effet, tout est bien ordonné et les ressources ne manquent pas lorsqu'il est question de la procréation et de la naissance d'un nouveau-né. Mais, jusqu'à présent, on est resté pratiquement muets face aux besoins ultimes des mourants. Les enjeux de la souffrance et des douleurs de fin de vie ne sont pas pleinement prises en considération. Après tout, cette société québécoise a été bâtie par ces mourants qui ont assumé sa prospérité au cours de leur vie active, soit à la maison ou au travail. Ils ont aussi renouvelé les générations actuelles et futures en procréant des enfants et en les éduquant.  

Sur le plan des mentalités, on est encore au MOYEN ÂGE. Devons-nous imputer une partie de la faute à l'appartenance religieuse de notre passé récent ?

Cette prise de conscience a nécessité récemment une nouvelle Loi pour permettre d'abréger légalement les souffrances de nos mourants. Mais, le sujet est loin d'être clos. Maintenant, il faut assumer l'entière responsabilité d'un société vieillissante. Les pages nécrologiques des journaux débordent, au quotidien, de personnes décédées, toujours en nombre croissant. À mon sens, il ne suffit pas de regarder toutes ces photos regroupant des gens de toutes les couches sociales et de passer à autre chose, les condamnant à un oubli pratiquement total.

La question fondamentale (et toujours d'actualité) demeure celle-ci : comment ont-ils ou ont-elles passé à travers cette épreuve, la plus grande qui soit dans la vie, pour la plupart du monde?

Comme il y a de moins en moins de personnes qui croient au ciel ou à l'enfer, il faudrait peut-être utiliser plus de ressources ou de moyens pour aider nos semblables à franchir cette ultime étape, dans les meilleures conditions possibles. Est-il nécessaire de rappeler que tout et chacun d'entre nous devront affronter cette épreuve ?

Établir un protocole de mort naturelle est une mesure aussi nécessaire que celui de la naissance d'un nouveau-né. Où et comment trouver l'élixir ou la formule médicale qui nous aidera à franchir cette ultime étape dans le calme, sans crainte et sans douleur ou anxiété ? Et surtout, accessible à tous ? C'est là-dessus que l'on doit plancher.

RD








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