samedi, février 21, 2015

 

Et le droit de vivre ?


 Ariel Sharon hôpital



Article de Myriam Ségal, Journal de Québec, 14 février 2015

La mort reste un rendez-vous solitaire avec l’inconnu. Il n’y a pas plus de dignité à l’accélérer qu’à la retarder

La Cour suprême a reconnu le droit à celui qui souffre irrémédiablement de se faire aider médicalement à mourir plus vite. Bonne chose qu’un être lucide, condamné, ne soit pas obligé de s’expatrier ou de jeter ses proches dans une saga judiciaire pour abréger sa vie.

Mais il ne faut pas porter aux nues ceux qui font ce choix, les encenser parce qu’ils meurent «dans la dignité». Cela passe perfidement le message qu’il est méprisable d’aller au bout de son souffle, de consommer sa vie jusqu’à la dernière goutte. La mort reste un rendez-vous solitaire avec l’inconnu. Il n’y a pas plus de dignité à l’accélérer qu’à la retarder. Il n’y a de dignité que dans la liberté de choix.
Notre société confirme donc sa compassion pour ceux qui veulent mourir; étrange qu’elle n’exprime pas la même pour ceux qui veulent vivre.

Pétition

Une jeune femme de 26 ans agonise dans un hôpital en attendant une greffe des poumons salvatrice. Sa mère fait courageusement campagne pour que nous signions notre carte de dons d’organes. Elle multiplie les entrevues, les suppliques. Ils sont 1250 à espérer une greffe vitale, à mettre leur fragile vie entre parenthèses, attendant le miracle... Chaque année, il en meurt 10%. Ironiquement, chaque fois qu’on améliore le bilan routier, on condamne à mort des malades.

Au Saguenay, l’an dernier, la mort d’une jeune atteinte de fibrose kystique avait poussé ses amis étudiants à lancer une pétition sur le site de l’Assemblée nationale: 20 000 signataires. Un député l’a déposée, sans insister.

Ils proposaient que tout citoyen consente par défaut à donner ses organes en cas de mort subite, sauf s’il s’inscrit à un registre pour s’y soustraire. Parce que la vie est plus importante que les superstitions et les rituels autour de la mort, au lieu de signer pour donner, on signerait pour ne pas donner, comme en Belgique, en France, au Luxembourg, au Portugal, en Espagne.

Un signal attendu

Chez nous, même avec la carte de don d’organes signée (pas évidente à trouver en cas de décès subit), il suffit qu’un membre de la famille s’oppose pour supplanter la volonté du défunt. Dans le choc du chagrin, 40% des familles refusent. Pourtant selon un sondage, 80% des citoyens veulent donner leurs orga­nes en cas de décès pour sauver des vies. Mais seule la moitié d’entre eux signent la carte.

Le ministre de la Santé Gaétan Barrette attend un mouvement, une pression sociale pour bouger. «Le “mourir dans la dignité”, tout le monde nous en parlait, dit-il. Le don d’organes automatique, vous êtes la première!»

Normal: la douleur de l’agonie nous touche tous personnellement. Mais le don d’organes, purement altruiste, restera toujours un sujet peu populaire dans notre société individualiste. Jusqu’à ce qu’une mère éplorée nous émeuve à la télé, mais trop fugacement pour que les politiciens quittent la zone de confort de leurs querelles partisanes, pour s’occuper d’humanité et de compassion.

Nous avons reconnu le droit de mourir... Et que faisons-nous du droit de vivre?
 

 COMMENTAIRE DE PHILOMAGE

Sujet très difficile à débattre. Chose certaine, les contemporains québécois, qui n'avaient pas le droit et les moyens de s'épargner les souffrances de fin de vie, l'auront désormais. C'est toujours ça de plus qui a été gagné sur la mort.

RD

 






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